Je suis l'allumette

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  Ce numéro avait perturbé mon week-end, le rendant lourd. Il avait rendu le tension palpable, avait fait de la peur mon sang, du doute mon oxygène, la nostalgie un poison qui entravait tous mes mouvements et toutes mes pensées. Il m'avait transformée en parano. Ill n'y avait plus de doute là-dessus.

  Il n'y avait plus de doute non plus sur une autre chose. J'avais désormais quatre ennemis. Toute ma logique sur le chiffre trois, toutes ses heures à me rassurer par rapport à elle, réduit à néant. Mais il y avait peut-être un point positif. J'avais donc certainement un nouveau pouvoir. Une nouvelle logique apparaîtrait peut-être. Si j'avais quatre ennemis, peut-être quatre pouvoirs. Je réfléchis et concentrai toutes mes forces pour ressentir. Tout. Tout ressentir. Soudain, une violente vague de puissance m'envahit. Je voulus crier mais mon air était coupé. Je tournai la tête et mes yeux s'écarquillèrent. Je voyais des centaines de visages, des centaines de meubles, des centaines d'airs, des centaines de sentiments. Les voix m'assaillirent. Celles tremblantes des personnes âgées, celles aigues des enfants, celles posées des adultes. Mais le pire était les sentiments. Non pas qu'il y en avait plein, qu'il m'assaillait par tout les côtés, non, juste, il n'y en avait qu'un. Un seul et unique sentiment dans cet endroit. La peur. Des petites frayeurs, des peurs immenses. Une peur commune qui se transmettait depuis longtemps. Les sons se ressemblaient. Des cris, des gémissements, des sanglots, des jurons. Tout ça dans le même instant. J'essayai de tout arrêter mais plus j'essayai, plus cette sensation s'amplifiait. Je fermai les yeux, et quand je les rouvris, tout était redevenu normal. Enfin, normal, façon de parler. Je me précipitai sur le PC pour contacteur jean marcel je sais pas quoi. Il répondit très vite. Il devait vraiment avoir envie de vendre cet appart. Il m'indiqua exactement où il se trouvait et je partis pour conclure l'affaire. Je couru presque dans les rues pour le voir. L'appart était très beau et à un prix très raisonnable. Je serrai la main du vendeur et partis chercher mes affaires. Je mis tout dans un sac, et revenais dans l'appart. Le vendeur fut ravi et me laissa les clés. Encore une fois, je me demandai s'il ne fallait un certaine date pour vendre un truc vraiment mais bon. Je m'assis sur le lit, et me concentrai sur mon nouveau pouvoir. A nouveau, des centaines de choses en même temps. Des voix, des visages, des sentiments. Mais cette fois, différents sentiments. Il y avait de la joie, de l'ennui, à nouveau de la joie, de l'incrédulité, de l'ennui et ainsi de suite. C'était troublant mais moins que la peur. Je me demandai en quoi ce nouveau pouvoir pourrait être utile. Peut-être pour découvrir des choses sur certains endroits.

  Voir le passé des lieux était assez étrange mais aussi incroyable. Je regardai mon nouvel appart. il était franchement pas mal, mais déjà, je sentais l'ennui m'envahir. Comme si chaque endroit avait un sentiment, et qu'après, tout le monde était destiné à ressentir ça. Ici l'ennui, dans ma chambre d'hôtel, la peur. Tout endroit à son sentiment. Et moi, je ne tombais que sur les pires. Je décidai d'aller voir dans la rue. Je m'assis sur une table de café et recommençai à voir le passé. Cette fois, il n'y avait pas des centaines de choses, mais des milliers. Des milliers de visages, des milliers de voix, de sentiments. Tous les sentiments, mais plus de la joie. Je fermai les yeux, et me délectai de cette joie qui envahissait tout. Une petite joie, un grand bonheur, juste un sentiment de satisfaction. Une voix parla dans mon oreille. Je rouvris les yeux immédiatement. Les sentiments disparurent, et la rue parut soudain bien plus banale. Je tournai la tête et vis le gars. Oui, je sais pas son nom donc on va dire que c'est "le gars". Comme ça, je sais qui c'est et je me repère ainsi. Il s'assit en face de moi et dit :

  << T'avais l'air heureuse pour une fois. Donc j'me suis dit que ce serait un bon moment pour te parler.

  - C'est juste que je viens de découvrir quelque chose d'incroyable...

  - Ah... Hem cool ! Et en fait, tu t'appelles comment ?

  - Am'. Et toi ?

  - Xavier. C'est pas top mais bon... Pourquoi tu tires toujours la tronche ?

  - Je... J'ai juste des problèmes... Et...

  Je m'arrêtai soudain. Un homme un peu plus vieux que moi tapa trois fois sur sa jambe droite. Vite, il fut suivi par une femme, qui tapa elle quatre fois sur la jambe gauche. Je les regardai avec attention, quand l'homme planta son regard dans le mien. Je me levai d'un coup.

  - Excuse-moi il faut que j'y aille !

  - Mais... pff ok... >>

  Je marchai vite mais en essayant d'avoir l'air naturelle. Je pris plusieurs chemins de façon à m'enfuir vite si j'étais suivie.

  Et je l'étais. Je me mis à courir. Pas question que des années de discrétion n'aient servi à rien. Je pris à gauche, puis me dirigeai vers la mer. Une fois là-bas, mon pouvoir me protègera. Mon pouvoir sur les éléments. Seul l'homme me suivait. Il y avait peu de gens sur la plage. Je couru et tant pis si j'étais à habillée. L'eau me permit de m'enfuir plus vite. Je me cachai derrière un rocher. L'homme regarda partout sur la plage, puis tapa deux fois sur sa cuisse. Je commençai à comprendre leur code. mais je ne suis pas venue ici pour que ma vie soit bouleversée. Enfin, plus que d'habitude. Je plongeai dans l'eau et regardai la surface. Toujours en mouvement, parfois terrible, parfois tranquille. Et de loin, je savais que mon portable venait de vibrer.

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