Chapitre 10

5.4K 368 79
                                    


Assis à l'arrière d'un taxi qui roulait rapidement à travers les rues désertes de la capitale, Adrien poussa un lourd soupir. Il fallait voir le bon côté des choses, si le fait d'avoir un avion qui avait atterrit au beau milieu de la nuit le privait maintenant de la vision chatoyante de Paris sous ses couleurs d'automnes, cela lui permettait au moins de ne pas se retrouver coincé dans le tumultueux trafic qui paralysait régulièrement les avenues de la ville.

Il avait hâte de rentrer.

Le jeune homme sortit un trousseau de clefs de sa poche, jouant machinalement avec les froides pièces de métal et leur arrachant d'argentins tintements alors qu'elles s'entrechoquaient entre ses doigts.

Les doubles des clefs de l'appartement de Marinette.

Elle les lui avait confiées dix jours plus tôt, juste avant qu'il ne parte rejoindre son père quelques centaines de kilomètres et une frontière plus loin. Le prestigieux Gabriel Agreste avait présenté sa toute nouvelle collection lors d'un défilé de mode de renommée internationale et fidèle à son habitude, il avait exigé la présence de son fils unique à ses côtés pour l'événement.

Après une semaine passée à Milan à fréquenter presque sans interruptions les plus grands noms de la mode, le jeune homme était épuisé. Jouer au parfait héritier de la maison Agreste lui demandait des efforts considérables et une attention de tous les instants, alors qu'il prenait garde à surveiller avec une méticuleuse attention ses moindres gestes et paroles afin de ne pas risquer un faux pas qui décevrait son père.

Il s'était éclipsé du gala de clôture du défilé dès que cela lui avait été diplomatiquement possible, sautant ensuite dans le premier avion pour regagner Paris au plus vite. Il était ravi de pouvoir à présent rentrer chez lui.

Non.

Chez Marinette.

Le regard d'Adrien retomba de nouveau sur le trousseau de clefs. Il revoyait encore les yeux bleus brillant de détermination de la jeune femme lorsqu'elle le lui avait donné, lui annonçant d'un ton sans réplique que peu importait l'heure, s'il préférait rentrer chez elle plutôt que chez lui il était le bienvenu.

Adrien sortit son téléphone, l'écran illuminant son visage d'une lumière blafarde tandis qu'il déverrouillait machinalement l'appareil.

Trois heures du matin.

Elle devait certainement dormir.




Le taxi arriva finalement à destination, déposant Adrien et son sac au pied de l'immeuble de Marinette. Le jeune homme s'empressa de régler la course puis entra d'un pas pressé dans le bâtiment, laissant le véhicule disparaître dans la nuit.

Après avoir gravi la volée de la marche qui l'emmenait jusqu'à l'étage où habitait la jeune femme, Adrien tourna les clefs dans la serrure aussi discrètement que possible avant de pénétrer dans l'appartement. Alors qu'il s'apprêtait à refermer la porte, il surprit l'éclat des yeux verts du petit chat qu'il avait arbitrairement rebaptisé Chat Noir, qui brillaient telles deux pierres précieuses à la lueur de la lumière du couloir.

Adrien soutint un instant son regard avant de finalement se retourner pour verrouiller la porte d'entrée derrière lui, puis il se débarrassa rapidement de sa veste et de son sac de voyage, les abandonnant sur le canapé. Le jeune homme se dirigea ensuite à tâtons vers la salle de bain, sachant pertinemment que s'il avait le malheur de passer tout d'abord par la chambre de Marinette, jamais il ne trouverait le courage d'en ressortir immédiatement pour prendre une douche.

Il atteignit sa destination au moment même où un discret bruit de tissu lui indiquait que Chat Noir venait très probablement de faire tomber sa veste par terre. Adrien poussa un soupir, puis entra dans la salle de bain, ignorant délibérément les facéties du petit animal qui ne semblait décidément pas le porter dans son coeur.

Comme dans la plupart des modestes appartements parisiens, la pièce était absolument minuscule, mais Adrien se sentit envahi d'une bouffée de nostalgie dès qu'il y posa les pieds. L'odeur de Marinette flottait partout dans les airs. Son parfum, posé sur le rebord du lavabo. Ce shampoing aux fruits rouges qu'elle affectionnait particulièrement ces derniers temps. Le pot de crème qu'elle passait régulièrement sur ses mains pour soulager ses doigts, régulièrement piqués par des aiguilles quand elle cousait.

Il avait hâte de la revoir.

Luttant contre l'envie d'aller immédiatement rejoindre la jeune femme assoupie dans la chambre voisine, Adrien pénétra dans la petite douche qui ornait un angle de la pièce. Il en ouvrit les robinets, libérant une cascade d'eau tiède qui déferla en un instant sur tout son corps. Faisant paresseusement rouler ses muscles pour tenter de les détendre après cet interminable voyage, il poussa un soupir d'aise avant de s'emparer du savon et d'en finir au plus vite avec sa douche.

Quelques instants plus tard, c'est un Adrien vêtu d'un simple bas de pyjama qui se faufila dans la chambre de Marinette.

Il ne put s'empêcher de sourire en apercevant enfin sa familière silhouette lovée sur le lit, seulement à moitié dissimulée par les draps qui avaient glissés dans son sommeil jusqu'au niveau de sa taille.

Marinette s'était endormie en laissant les volets ouverts, et la douce lueur de la lune parait sa peau de porcelaine d'une délicate couleur argentée, tandis que ses cheveux aux reflets brillants étaient éparpillés sur son oreiller. Adrien constata avec une légère pointe de regret que cette brune chevelure masquait presque entièrement le visage de la jeune femme, laissant tout juste apparaître la courbe de son nez et celle de ses lèvres finement ourlées.

Adrien s'assit sur le rebord du lit, tendant avec précaution la main vers elle pour dégager quelques mèches de son visage, dévoilant peu à peu son profil, puis ses pommettes qu'il avait tant envie d'embrasser, et enfin ses yeux clos dont les cils si scandaleusement longs projetaient une ombre délicate sur sa joue.

Un léger bruit cristallin manqua de faire sursauter Adrien tant il était absorbé par sa tâche et par la contemplation de sa belle endormie. Dehors, une pluie d'automne commençait à s'abattre sur la ville, et de lourdes gouttes frappaient à présent par intermittence les carreaux de la fenêtre. Leur doux clapotis musical envahit rapidement la pièce, tandis que leurs ombres jouaient gracieusement sur la peau nue de Marinette.

Soulevant les draps aussi délicatement que possible, Adrien se faufila doucement dans le lit. Il bougeait avec précaution, craignant que même le plus infime mouvement, la moindre pression de son corps sur le matelas ne trouble le sommeil de Marinette. Malgré le bruit de la pluie qui martelait toujours la fenêtre, le moindre crissement du tissu contre sa peau lui semblait faire un vacarme effroyable dans le calme de la chambre.

- « Adrien ? », murmura une voix ensommeillée.

Le jeune homme se figea, puis un large sourire illumina son visage. Il aurait probablement dû culpabiliser de la réveiller à une heure aussi tardive, mais il était trop heureux de profiter de cette occasion de la serrer enfin dans ses bras pour avoir le moindre remord.

D'un mouvement fluide, il se glissa aux côtés de Marinette, passant son bras autour de sa taille et se pressant contre elle de sorte à ne plus laisser ne serait-ce que quelques centimètres d'espace entre leurs deux corps. Il pouvait sentir la chaleur de sa peau contre la sienne, l'enivrant parfum qui se dégageait d'elle, la douceur de ses mains tandis que ses doigts cherchaient les siens à tâtons.

Elle lui avait tant manqué.

- « Je suis rentré », murmura-t-il avec délice avant de déposer un baiser contre sa nuque.

Marinette se retourna, explorant son visage de ses doigts fins afin de localiser sa bouche, avant de l'embrasser avec tendresse. Adrien ne pouvait pas voir son expression, perdue dans son ombre alors qu'il interceptait la douce lumière de la lune, mais il pouvait la sentir sourire sous ses lèvres.

- « Tu es rentré. »

Un soir d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant