6. Le match

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Tout d'abord avant que vous commenciez se chapitre je tiens a m'excuser du retard.                  


Durant une poigné de secondes, j'ai l'impression que le sol s'affaisse sous mes pieds. D'une main tremblante, je me retiens à la balustrade. Ma vue se brouille et m'empêche encore de distinguer les visages qui me font face. A cet instant, je maudis ma maîtresse, Gaspard et les 10 exalté qui me toisent sans indulgence.

- C'est ça, ton correspondant? demande l'un deux à Gaspard.


Gaspard ne répond pas. Il se contente de me lancer un tee-shirt en marmonnant entre ses dents :

- T'as intérêt à assurer !

Je comprend alors que mon humiliation ne fait que commencer. Gaspard a organisé un match en mon honneur et je suis la douzième joueuse. Deux paniers sont installés dans l'allée du garage, et les garçons ce sont déjà regroupés sur le terrain de jeu. La maman de Gaspard s'exclame gaiement.

- Il paraît que dans ton école tu es une vrai championne ! Gaspard nous a raconté tes exploits !


Si j'avais su que mes mensonges m'entraîneraient sur un terrain de basket, j'aurais mis fin plus tôt à ce cauchemard. C'est une chose de divaguer sur le papier avec le stylo à la main, c'en est une autre de se retrouver face aux Colosses de La Ravoire !


Telle une condamnée, j'enfile mon tee-shirt et je vais me placer au milieu de mes coéquipiers. Gaspard donne le coup d'envoi. Le ballon vole au-dessus de ma tête. Maladroitement, je tente d'esquiver les coups qui pleuvent autour de moi. Les garçons courent en tous sens, les yeux fixés sur ce satané ballon. Ma présence gêne le jeu : on me pousse du coude, on me piétine les pieds, on me lance des invectives. Je me retiens de ne pas éclater en sanglots.


Un coup de sifflet vient de mettre fin à mon calvaire.

- C'est bon, les garçons ! crie le père de Gaspard. Je déclare le match nul !


Les garçons protestent. Tandis que la mère de Gaspard m'entraîne à l'écart, j'entends l'un deux dire sur mon passage :

- Mais c'est qui, cette bouffonne?

La maman de Gaspard me serre dans ces bras et me chuchote à l'oreille :

- Je vais te montrer ta chambre. Nous irons ensuite prendre le goûter.


Elle me fait visiter la maison. Nous montons au second étage, où se trouve ma chambre. 

- A vrai dire, me confie t-elle, je t'avais d'abord installée dans la chambre de mon fils, croyant que... Enfin, nous pensions tous que tu étais un garçon, alors imagine notre surprise et surtout celle de Gaspard. Mais je suis certaine que Gaspard va s'habituer à avoir une correspondante. Il faut juste lui laisser un peu de temps.


Elle se veut rassurante, multiplie les sourires et les marques d'affections.    

- Allons goûter, propose t-elle. Les émotions, ça ouvre l'appétit, n'est ce pas?

Les garçons se sont regroupés autour de la table de la salle à manger et ont commencé à goûter aux nombreux gâteaux. Le papa de Gaspard me tend une chaise. Je murmure au bout des lèvres un merci qui se perd dans le brouhaha. J'ai l'impression d'être devenue transparente. Les garçons me bousculent pour attraper une tranche de cake, un biscuit au chocolat ou la bouteille de sirop de grenadine. Je devine leur petit manège. Ils ont tout simplement décidé de m'ignorer. Je saisi mon verre et tentee de dissimuler derrière le liquide rosée le tremblement de mes lèvres.


Après le départ des garçons, Gaspard s'enferme dans sa chambre et des bribes de musique filtrent sous la porte. Nous restons dans le salon, la maman de Gaspard et moi, à bavarder. Je lui explique l'origine du malentendu. Mon histoire la fait beaucoup rire.

- C'est dommage que notre fils soit si coincé ! Ce quiproquo est finalement très drôle !


En début de soirée, alors que la pénombre envahit doucement la pièce, Gaspard fait une apparition. Il est venu chercher un magazine et repars aussitôt. Nous nous retrouvons pour le dîner autour d'une fondue. Les parents de Gaspard font leur possible pour détendre l'atmosphère. Mais Gaspard refuse de participer à la conversation.


Au moment du dessert, la maman de Gaspard apporte de la mousse au chocolat. Je fais mine de ne plus pouvoir rien avaler. Elle me rétorque en riant :

- Prend des force, Natacha ! Tu vas en avoir besoin demain pour monter au col de la Belette !

- Cette expédition n'est pas de tout repos, confirme le père de Gaspard. Mais il faut bien reconnaître que là-haut, le paysage est superbe. 

- Malheureusement, quand tu te réveilleras demain matin, nous serons déjà au travail, mon mari devant son pétrin et moi, derrière ma caisse. J'ai placé sur ta table de chevet un réveil. Tu n'auras qu'à le régler sur 7 heures. Cela te laissera le temps de prendre un bon petit déjeuner et de te préparer. Le car doit passer vous prendre au bas de la rue. Mais bien sûr, Gaspard sera la pour t'accompagner.


Gaspard ne dit mot. Il racle sa coupelle, se lève, marmonne " bonne nuit " et va se coucher. Sa mère soupir et hoche la tête.

- Quelle garçon buté ! Je suis vraiment désolée pour toi ! Laisse, laisse... Je vais débarrasser. Va vite te coucher. Demain, tu te lèves tôt.

Petits mensonges et grande frayeur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant