Tous les regards se tournent vers moi.
- Natacha ? Tu es sûre ?
Il ne faudrait pas qu'elle insiste de trop. Ma résolution est encore bien fragile. Pourtant, c'est d'une voix ferme que je dis encore :
- Oui, je veux descendre !
- Bien, dit Hubert, en me prenant pas les épaules. Je vais t'expliquer ce que nous allons faire. Je vais commencer par attacher ce harnais autour de ta taille et, très lentement, je te laisserais glissé le long de la crevasse. Une fois en bas, tu accrocheras le harnais autour de la taille de Chloé et je pourrai ainsi la remonter. Puis ce sera ton tour.
- D'accord.
Je pense alors à mes parents, à mes camarades qui à ce moment précis portent sur moi un regard à la fois plein d'envie et d'appréhension, à Gaspard que je n'ai pas revue depuis le début de la randonnée...
Au moment de m'engouffrer dans la crevasse mes pensées sont aussi peu claires que j'entrevois dans l'obscurité. Le guide me laisse glisser doucement jusqu'à se que j'atteigne le fond de la crevasse. Bizarrement, il y fait assez clair. Océane est adossée à la paroi rocheuse. Elle lève sur moi des yeux apeurés. Je m'approche d'elle et la prends dans mes bras.
- Comment vas-tu ?
- Ca va... mais j'ai eu si peur ! dit-elle entre deux sanglots.
- Ca, je te comprends ! C'est vraiment pas le lieu idéal pour passer ses vacances !
Océane tente un faible sourire qui se transforme vite en une grimace douloureuse.
- Tu peux bouger tes bras, tes jambes ?
- Ma cheville droite me fait très mal, et cette épaule aussi...
Je crois percevoir comme un souffle qui circule le long des parois nues. Comme d'étranges murmures venus d'ailleurs. Le guide essaierait-il de communiquer avec moi ? Mais il semble que tout échange soit devenu impossible.
Mes mains tremblent un peu. Avec des gestes maladroits, je réussis néanmoins à attacher le harnais autour de la taille de Océane. A bout de forces, celle-ci se laisse manipuler telle une poupée désarticuler.
- Ca va aller... A tout à l'heure..., je lui murmure à l'oreille.
Je m'assieds sur le sol gelé et regarde Océane en train de monter doucement. La voilà hors de ma vue. Je me retrouve toute seule au fond de la crevasse et une angoisse indescriptible m'étreint. Je regarde la corde qui tarde à revenir. Des gouttes d'eau viennent s'écraser à mes pieds. Il me semble apercevoir d'étranges ombres se déplacer contre la roche. Mais que font-ils? Pourquoi la corde ne redescend pas? Les minutes qui passent me paraissent des heures.
Ca y est je l'aperçois enfin ! La corde est la devant mes yeux, qui redescend tranquillement jusqu'à moi. Elle n'est plus qu'à deux ou trois mètres au-dessus de ma tête. Mais soudain, elle stoppe brutalement sa progression. Elle est sans doute restée coincée contre une des aspérités de la roche. Je me hisse sur la pointe des pieds, allonge mon bras jusqu'à en avoir mal au jointures. Mais la corde demeure hors d'atteinte. Des larmes de rage jaillissent de mes yeux. Jamais je n'y arriverai ! Sui-je condamnée à rester ici?
Au moment de céder au désespoir, la corde se met à tressauter. Elle remonte brutalement avant de descendre jusqu'à moi.
J'agrippe le harnais que j'accroche autour de ma taille. Je tire deux fois sur la corde. Le signal pour remonter.
Je me sens bientôt tirée vers le haut. Mes pieds ricochent sur les parois neigeuses. La clarté se fait plus intense. Au-dessus de moi apparaissent le bleu du ciel et une lumière qui me fait violemment cligner les yeux. Quelle n'est pas ma surprise lorsqu'une salve d'applaudissement m'accueille à la sortie !
- Bravo, Natacha ! Tu as réussi ! Tu as été très courageuse ! s'exclame Hubert, visiblement heureux du dénouement. Je souris malgré moi, encore un peu étourdie par mon aventure.
Un peu plus bas, les hélices d'un hélicoptère tournent en faisant un bruit assourdissant. Deux hommes munis d'un brancard portent Océane jusqu'à l'appareil.
- Océane va être transportée à l'hôpital où elle sera examinée par une équipe médicale, explique la maîtresse. Elle n'aurait qu'une cheville cassée. Pas grand-chose à côté de ce qui...
Et là, elle s'interrompt, très émue. Elle essuie une larme en cachette avant de poursuivre:
- Nous avons échappé de peu à la catastrophe. Bientôt l'hélicoptère s'élève dans le ciel et disparaît derrière les montagnes.
Les adultes se retirent à l'écart et discutent à voix basse. Peu après, la maîtresse se tourne vers nous et propose:
- Nous avons tous été très secoués par ce qui vient d'arriver. Aussi si certains d'entre vous préfèrent renoncer à poursuivre l'expédition, nous respecterons ce choix.
Sans même nous consulter la décision fait l'unanimité.
- On continue, madame !
Un sourire éclaire le visage de la maîtresse.
- Très bien. C'est sans doute la meilleure façon d'évacuer les tensions. Toutefois, prenez garde aux ponts de neige ! Il n'est pas sûr que Natacha accepte une seconde fois d'aller sauver l'un de vous ! ajoute-t-elle en m'adressant un clin d'œil complice.
Le chemin que nous empruntons pour redescendre ne présente heureusement aucune des difficultés. rencontrées à l'aller. Nous chantons à tue-tête des chansons à la mode. Lorsque enfin nous nous installons sur les rivages du lac pour une pause bien méritée, Emilie insiste pour que je m'asseye à côté d'elle. Nous sommes à présents impatientes de dévorer les sandwichs que nos sacs à dos contiennent.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?
Une feuille de papier, soigneusement pliée en quatre, a été glissée dans le papier d'aluminium qui entoure mon sandwich au jambon.
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Petits mensonges et grande frayeur.
RandomEn classe Natacha découvre, avec déception, que sa correspondante est un correspondant nommé Gaspard. Elle signe sa première lettre d'un Nat. Gaspard s'imagine que ce Nat est le diminutif de Nathan ou Nathanaël. Au lieu de lui dire la vérité, Natach...