7. Une expédition à haut risque

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A mon réveil, un silence étrange règne dans la maison. Je me tourne vers le réveil, les aiguilles du cadran indique 7h45. 7h45 ! Il n'a pas sonné ! Ou alors... Est-ce que Gaspard serait capable de... Malheureusement, je n'ai pas le temps d'identifier le coupable. Il me reste exactement un quart d'heure pour m'habiller, rassembler mes affaires et courir jusqu'au car. Comme par hasard, au moment de partir, je n'arrive pas à mettre la main sur mes chaussures de montagne. Je suis pourtant certaine de les avoir posées la veille devant la porte d'entrée. Comme une folle, je cours dans tous les sens. Je remonte au deuxième étage, mets ma chambre sens dessus dessous, redescends dans la cuisine, visite la cave, la buanderie etc. Je suis prête à renoncer quand enfin, je mets la main dessus. Elles étaient sous le petit banc, devant la maison.


Mon sac à dos sur l'épaule, je cours jusqu'au bas de la rue. Le car est là, stationné devant la fontaine. Madame Chabanal s'exclame :  

- Ah, te voilà enfin ! Monte vite dans le car. Nous n'attendions plus que toi pour partir.


De chaque coté du couloir, toutes les places sont occupées. Emilie est assise à coté de sa correspondante. Elle me fait un petit signe de la main.

- On se verra tout à l'heure, me lance-t-elle avec un sourire embarrassé.


Un peu plus loin; j'aperçois Gaspard qui fait mine d'échanger des propos très drôles avec son voisin. Le car démarre tandis que je prends place sue la banquette arrière.  Après avoir quitté la nationale, le car emprunte des petites routes en lacets qui, très vite, me donnent le tournis. Je ferme les yeux et m'abandonne au sommeil.


Une secousse me tire de mes rêves agités. Le car est arrêté sur un immense parking. J'empoignent mon sac à dos et m'empresse de rejoindre Emilie et Océane. Madame Chabanel est en pleine discussion avec Hubert, notre guide. Selon les instructions de monsieur Thibault, un des accompagnateurs, nous nous plaçons deux par deux jusqu'à former une longue colonne. Au début, le chemin est assez large pour que nous circulions sans gêne, mais très vite le sentier devient étroit et sinueux. Nous marchons en fil indienne, en prenant garde aux pierres qui parsèment le sol. Dans l'herbe poussent des fleurs aux couleurs vives. La maîtresse nous apprend à reconnaître les gentianes bleues, les digitales jaunes, les edweiss blancs. Les pâturages disparaissent bientôt sous une couche de neige glacée.


Le guide nous met en garde contre les ponts de neige qui sont des crevasses cachées sous la neige. Pour les éviter, il recommande de ne pas s'écarter du chemin tracé par lui. Nous arrivons au pied d'une falaise et apercevons un chamois et deux lapins qui détalent à notre vue. Nous devons redescendre de l'autre côté, jusqu'au lac Crampon au bord duquel nous déjeunerons. Nous marchons depuis deux heures et la fatigue commence à se faire sentir.

- Madame ! Océane a disparu !

- Quoi ? Que dis-tu, Emilie ?

- Océane a disparu ! Elle marchait à côté de moi et puis, pouf, plus rien, elle a disparu !

Tandis que madame Chabanel, affolée, se contente de brasser l'air avec ses bras, le guide a stoppé net, comprenant que quelque chose de grave venait de se produire. Il se tourne vers Emilie et lui demande :

- Où l'as-tu vue pour la dernière fois ?

Emilie hésite, puis bafouille quelques mots.

- Je ne sais plus... Là, je crois... Elle s'est penchée pour cueillir une fleur, et puis... et puis...

- Ne bougez pas ! ordonne Hubert. Elle a dû tomber dans une crevasse. L'épaisseur de neige est par endroit très fragile.


Nous attendons, retenant notre respiration. Je m'approche d'Emilie, lui passe un bras autour de la taille. Son corps tout entier tremble contre le mien. Elle serre ma main très fort dans la sienne et tourne vers moi un visage où se dessine un petit sourire. A cet instant, je sais que notre amitié n'a jamais été en danger. Nous regardons le guide avancer avec précaution sur le sol gelé. Avec son talon, il tape le sol pour juger la fragilité de la couche de neige. Soudain, il s'écrie, pointant sa lampe de poche vers le trou noir :

- Ca y est ! Je la vois ! Elle est tombée au fond de cette crevasse !


Sans perdre une seconde, le guide revient sur ses pas, sort de son sac à dos une corde, des harnais, des sangles, et exécute un savant montage.

- Nous allons faire un mouflage, explique-t-il.

- Un mouflage, oui... répète la maîtresse comme un automate.

- Je n'ai pas pu me rendre compte de son état, continue le guide. Il faut que quelqu'un descende la rejoindre sans tarder. Malheureusement le goulot est beaucoup trop petit pour laisser passer un adulte.

- Et que suggérez-vous ? demande madame Chabanel, tremblante.

- Qu'un élève pas trop épais essaie de se glisser dans la crevasse et descende jusqu'à elle.

J'ai l'impression que madame Chabanel va s'évanouir. Elle devient toute pâle et semble vaciller sur ses jambes. Elle pousse un profond soupir, tente de se ressaisir avant de se tourner lentement vers sa fille, Coralie.

- Coraline... Tu crois que... Tu veux essayer de...

- Ah non, maman ! Je descendrai jamais là-dedans ! s'écrie Coralie.

La maîtresse paraît à la fois soulagée et désespérée. Elle se tourne vers le guide et semble attendre un miracle.

- Madame, je veux bien essayer...    

   

Petits mensonges et grande frayeur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant