Chapitre X- Exil

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Je n'ai pas d'amis
Je ne connais pas ma maison
Je suis étrangère de mon temps
Et ces cacophonies de sensation
Qui me brûlent l'être
Elles me sont toutes inconnues
Je ne sais pas qui je suis
Je ne connais pas mon nom
Je ne comprends pas mon âge
Ni la signification de ma jeunesse
Je suis une exilée
Perdue dans une vie que je ne connais pas

...

Le bruit assordissant d'un klaxon de voitures me réveilla en sursaut. Les rideaux levés de la fenêtre de ma chambre emmenaient jusqu'à moi les rayons matinales chaudes du soleil tropical, le vrombissement des tap-tap et les cris des marchands déjà actifs au pieds de l'immeuble.

Je jetai un rapide coup d'oeil à l'écran de mon téléphone en sachant déjà ce qu'y m'y attendait.

10:30

J'étais en retard!
J'accoirai vers ma salle de bain à la recherche de ma brosse à dent. Nul parts! J'abandonnai devant la baignoire ma robe de chambre et déversai sur ma tête l'eau froide sensé m'aider à supporter la chaleur de la ville.

Rapidement j'enfilai un jeans moulant et un maillot large en soie sauvage.  J'attrapai mon sac et pris en hâte la route.

Dehors le soleil attaqa hardiment ma peau. J'étais assailli de tous parts d'une cacophonie de vrombissement de voitures, de cris de vendeurs, les uns plus téméraires que les autres et d'une embouteillage d'une file de plusieurs mètres.

J'étouffais! Prise au dépourvu par cette salubrité populace!

Dire que depuis longtemps j'ai habité là, sans jamais me rendre compte de tout cela. Sans me sentir gêné de la masse pesante autour de moi. Je vivais sur mon nuage au dessus d'eux, mais quelqu'un l'avait percé, mon nuage. Je ne reconnaissait plus rien! J'avais depuis un an l'impression de vivre la vie d'une autre. Exilée dans ce corps que je ne connaissais pas. Perdue dans une vie que je ne connaissais pas.

«Ey! Ti chérie ou prale?» (Hey! Tu viens ma belle?) me demanda quelqu'un m'extirpant de ma réflexion. Un chauffeur de taxi-moto s'arrêta devant moi posant un pied au bord du trottoir.

Aucune chance d'arriver à destination avant même midi avec ce blokus serré, si je me décidais à prendre une camionnette. Bien à contre coeur j'enfourchai sa moto.

Il étais déjà onze heures et quart quand j'ouvris la porte de l'amphithéâtre où se tenait les cours théoriques.

Malheureusement la seule place de libre dans les deux rangées occupé par les étudiants, peu nombreux, était celle à côté de Fanne. Je lui fit signe de la main, déposant mon sac sur mes jambes.

« En retard! Ève! dis donc!» Me fit elle, sans détourner de la scène son visage où se dessinait un sourire ironique.

Fanne était la plus douée de notre promotion, ouverte mais tellement opportuniste. Elle ne perdait jamais une occasion de se faire valoir, peu importe que ce soit envers et contre tous. Elle aimait à utiliser les gens et ça m'agaçait encore plus que ces gens persistaient à se laisser berner. Je trouverais mille autre raison pour dire que je ne l'aimais pas.

Mais je devais être honnête avec moi même, ma nouvelle hostilité envers tout le monde n'était qu'une excuse face à la frustration qui m'empêchait de respirer, qui partait et revenait sans cesse, qui me serrais l'estomac et qui m'embrasait la tête.

Aujourd'hui, ils formaient des groupes de trois pour notre stage d'un mois qui débuterait demain.

« Stephanie- Roland- Emile, vous aller avec le docteur Renaud»

Je n'avais pas encore entendu mon nom. Peut être l'avait ils déjà cité? Vu que j'étais en retard, je devrais attendre la fin pour poser des questions.

« Charles- Fanne-...» ils abandonnèrent leur siège pour aller se placer devant.

« ...et Ève, vous rejoignez le dr Maussant.»

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Lexique

Blokus: embouteillage

Camionnette/ tap-tap: pik-up aménagé. Transport commun en Haïti

Le prix de l'interdit Où les histoires vivent. Découvrez maintenant