Chapitre Premier

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De sourds bruits effaçaient un temps soit peu la cacophonie des balles. De nombreux avions coupaient le ciel de noires fumées, et seul un épais liquide rougeâtre redonnait un semblant de vie au Commonwealth. L'automne était rude, et mes doigts rougis par le froid avaient de grandes difficultés à tenir la gâchette. Mon coeur s'accélérait au fur et à mesure que mes camarades tombaient autour de moi, avec deux trous rouges aux côtés droit. La terre buvait avec avidité le sang qui perlait des cadavres. Mes vêtements étaient en lambeaux, et ma peau noircis par un mélange de crasse, de sueur et de sang. Nous, soldats aux service de notre pays, nous battons pour une noble cause; nous nous battons pour éviter la destruction de l'Amérique par l'arme nucléaire. L'achat de cette arme entraîna de nombreuses crises économiques, de manifestations et même de guerres civiles. C'est le monde même qui a été touché, et aucuns pays n'est à présent à l'abris d'une guerre mondiale. Mais aujourd'hui, cette date restera gravée dans l'histoire, elle sera notre victoire face au nucléaire. Nous possédons certains avantages, les élites de nos rangs combattent valeureusement dans des armures assistées, capable de résister et d'infliger de conséquents dégâts physiques. Ils sont nos braves chevaliers sur les fronts. Ils peuvent, à leurs seule force métallique, terrasser un bataillon entier. Les pilotes de ces engins se devaient d'être particulièrement fort mentalement, en donnant la mort dans d'effroyables conditions sur des êtres qui nous ressemblaient physiquement et mentalement. Ils devaient fermer les yeux et abattre de sang froid ceux qui agonisaient dans de terribles souffrances, et qui encore très jeunes et apeurés, appelaient leur mère.

" - Alyah ! Arrête de rêver bordel, bouge de là ! "

La voix d'Owen me ramena à la réalité et me fit prendre conscience que je courais actuellement un grand danger. Un avion avait été touché, les réacteurs étaient en feu. Il tombait gracieusement du ciel à une incroyable vitesse. Il tombait sur le front, sur nous. J'étais impressionnée de la beauté de cette effroyable scène. J'analysais et appréciais chaque secondes de ce moment présent, comme plongé dans un autre monde, un monde plus juste. Je restais là, pétrifiée, à observer. Les hommes courraient pour éviter l'avion. Moi, je n'arrivais plus à bouger. J'ai donc fermé les yeux et ai lâché mon arme, qui n'était qu'une simple mitraillette, croyant ma dernière heure arriver. Je pensais à ma famille, et à mon jeune frère qui faisait ma fierté. J'espère que ce ne sera pas si douloureux...

Soudainement, un poids lourd me percuta violemment sur le sol, juste avant l'explosion de l'avion. La chaleur du feu me brûla une bonne partie de la jambe en m'arrachant d'intenses hurlements de douleurs. Les débris ne nous épargnèrent pas, et de banales morceaux de ferrailles vinrent transpercer ma chair au niveau de mes bras et de mon torse. L'intonation du choc me perça les tympans, et je sombrais petit à petit dans un demi-sommeil, complètement sonné. Quelqu'un hurlait mon prénom avec insistance, enfin il me semble... Tout était flou et étrangement silencieux. Il faisait froid, très froid. Mais j'étais calme et incroyablement détendue. Et puis... Le noir.

Quand mes yeux eurent enfin daignés s'ouvrir, je me trouvais dans une salle blanche immaculée. Mes yeux exploraient la salle avec grand mal, quand ils tombèrent sur Owen, debout devant le pas de la porte. J'esquissais un sourire, en tentant de me relever de mon lit, en grognant de douleurs.

"- Tu te sens mieux ? Tu m'as foutus une peur bleue en bloquant devant l'avion, tu le sais ?
- Je suis désolée...
Owen soupira avant de s'approcher de moi et de me déposer un baiser protecteur sur le front.
- Ça fait trois semaines que tu dors. Tu n'aurais jamais dû me suivre dans l'armée, c'est trop dangereux pour toi...
J'ai froncé les sourcils, sentant les larmes me monter aux yeux.
- C'était mon choix ! Je suis assez grande pour prendre des déci... Aïe !
Mes bandages blancs se colorèrent d'un rouge pourpre, les sutures venaient de rompre.
Owen courut appeler les médecins, qui vinrent également au pas de course. Ils demandèrent à ce dernier de quitter la chambre. Owen m'ébouriffa les cheveux avant de partir.
- On se revoit quand tu sors, princesse !"

La salle était bondé de médecins, et pourtant je me sentais seule. Les murs tremblaient et s'effritaient, la guerre faisait rage dehors. Et moi, j'étais sur un lit, entouré de médecins qui faisaient je ne sais quoi à mon pauvre petit corps. La honte me rongeait, je me considérais moi même comme une déserteuse. J'avais abandonné mes amis à une mort certaine, même si je n'étais qu'un vulgaire pion sur l'échiquier. La radio présente dans la salle annonçait les nouvelles, bien qu'entre coupé par le brouhaha que pouvait faire les obus, l'un après l'autre. Les troupes ennemis avançaient vers la ville principale, ils avançaient vers nos familles ! Des milliers de femmes et d'enfants vivaient parmis les hauts buildings qu'offrait la ville. Et si je ne sortais pas d'ici au plus vite, de nombreuses vies innocentes allaient être prises. Il fallait que j'arrête le massacre ! Je me débâtis des liens que m'instauraient les hommes vêtue de blouses blanches.
Un médecin, sans doute agacé du métier ou du temps qu'il lui restait, m'injecta un produit dans mon bras droit, et je me suis sentis chavirer. La salle bougeait et tournait autour de moi, à m'en donner la nausée. Tous m'amenait dans une nouvelle salle. Une salle froide, pour ne pas dire glaciale. Je ne pus exprimer mon mécontentement que je plongeais à nouveau dans un profond sommeil, parmi les plus noires ténèbres.

482Où les histoires vivent. Découvrez maintenant