Chapitre 7

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C'était dimanche matin, et Judy avait l'impression que son cerveau était trois fois trop grand pour son crâne.

La lumière du soleil se glissait à travers les rideaux et lui fouettait diaboliquement les yeux.

Tout était trop bruyant. Les coups de klaxon et les accélérations des voitures venant de la rue proche de son immeuble faisaient rage dans sa tête comme un essaim de frelons en colère.

Elle sentait aussi.

*Sniff sniff*

Très mal.

Elle n'avait jamais eu de gueule de bois avant, et si c'était quelque chose d'habituel (NDT: ici, "quand on boit de l'alcool" est sous-entendu), ça lui allait parfaitement bien de ne plus jamais en avoir.

A un moment durant la nuit elle avait titubé jusqu'à son lit, jetant la bouteille de vin à moitié vide au sol. Elle pouvait le sentir d'ici - pas de doute, elle avait répandu tout ce qu'elle n'avait pas bu sur la moquette. Ne serait-ce pas la cerise sur l'étron ?

Elle serra quelque chose dans ses pattes. Sa peluche de renard. Aucun doute, Nick serait mort de rire et la taquinerait sans arrêt si il en connaissait l'existence.

Elle la serra plus fort contre son torse, plongeant son nez dans sa tête poilue et respirant ses senteurs. Ça sentait le vieux coton et la fourrure de renard. C'était une des quelques possessions qu'elle aimait vraiment.

Son badge de police était proche second, mais la peluche gagnait des points bonus en étant super douce.

Elle passa un peu plus de temps dans son lit avant de se résoudre à ne pas passer tout son dimanche en boudant et en s'apitoyant sur son sort.

Outre ça, aujourd'hui c'était Cinema Sunday, et de ce qu'elle en savait, Julie passait ses dimanches au spa, ce qui laissait Nick entièrement à Judy.

Nick...

Ses pensées revinrent sur le rêve de la nuit dernière.

Le massage de pieds gênant, le baiser passionné, la manière horrifique avec laquelle ils s'étaient séparés...

Nick ne lui avait pas parlé pendant une semaine après ça. Peut-être qu'il avait été en colère, peut-être qu'il avait été honteux, ou peut-être qu'il avait juste été complètement embarrassé.

Dans tout les cas, ç'avait été une des semaines les plus douloureuses dans la vie de Judy.

Elle avait passé des nuits entières éveillée à fixer son plafond, songeant s'il valait mieux laisser de l'air à Nick ou juste aller jusque chez lui, défoncer la porte et lui crier des excuses dessus jusqu'à ce qu'il la pardonne.

Elle avait presque submergé son répondeur en implorant qu'il la rappelle. Ça avait été une manière de se morfondre qui convenait plus à un hystérique qu'à un policier, mais elle s'en foutait. Elle voulait le retour de son ami.

Une partie d'elle voulait plus que ça.

Elle avait passé des jours entier au commissariat de police à rêver de ce baiser.

Sur comment ses lèvres étaient chaleureuses et invitantes, sur les battements réguliers de son cœur sous sa paume, sur cette légère odeur musquée de son souffle qui lui faisait des picotements à l'intérieur...

Elle n'avait jamais embrassé un garçon avant.

Était-ce supposé être toujours aussi fantastique ? Elle n'avait osé demander à aucune des filles du commissariat de police.

Et il y avait aussi cette horrible petite voix, persistant aux confins de son esprit, satisfaite que le prédateur soit parti et qu'ils soient en sécurité.

Judy ne pensait pas qu'elle pouvait autant détester quelque chose.

La fois suivante où elle avait vu Nick, ils n'avaient pas pour autant parlé de la dernière nuit. Le sujet avait constamment été sur le bout de sa langue, mais Nick ne lui avait pas donné une chance de l'aborder. Le renard avait un talent pour contrôler une conversation, changeant de sujet dés qu'elle s'approchait trop d'en parler.

Finalement elle arrêta d'essayer, et les choses revinrent à la normale. Nick prétendait que rien ne s'était passé, et Judy était d'accord à contrecœur.

Et ensuite, aussi bienvenu qu'un pet dans un ascenseur, Julie était arrivée dans sa vie avec ses bras autour des épaules de Nick.

Elle avait voulu détester Julie. Elle avait tant voulu la détester.

Mais au final, quand ça se gâtait, Julie n'était pas fautive.

Si Judy n'avait pas foiré sur quelque chose d'aussi inoffensif qu'un baiser, Julie ne ferait même pas parti de l'équation.

Si elle s'était juste platement excusée et dit à Nick qu'elle ressentait la même chose, peut-être que les choses pourraient être différentes.

Si elle n'avait pas laissé Nick sombrer cette nuit - si elle l'avait forcé à discuter et à redresser les choses, peut-être qu'elle serait plus pour lui que cette amie idiote qui s'était assise sur ses sentiments.

Peut-être...

Et puis merde. Elle avait mieux à faire que rester dans son lit et pleurer sur des 'peut-être'. Elle sortit du lit, et se dirigea vers la garde-robe. C'était Cinema Sunday, la journée venait de commencer et Nick l'attendait.

Elle allait profiter de cette journée. Ce qui est fait est fait.

Sad JudyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant