Je mords à pleine dents dans la viande juteuse. Le feu me réchauffe les pieds et éloigne les prédateurs pendant la nuit. Après mon repas, je m'efforce de parler. Je parle seule en tournant autour des braises. Je veux continuer de parler. Je suis la seule dans ce monde à en être capable, et cela me fait sourire. Après mes quelques minutes de monologue quotidien, je grimpe au sommet d'un arbre. Le ciel est nu, pur, pas un seul nuage ne me cache les étoiles. La lune, pleine, ronde, brille au dessus de ma tête. Je vais m'endormir ici, en contemplant l'espace. En m'endormant, je songe au futur de ce monde. Un futur que je connais déjà, ou du moins en partie. Tellement de temps me sépare de ma famille. Je ne les retrouverai sûrement jamais. Mais je me dois d'essayer. Cela fait maintenant tellement de temps. Tellement de temps que je cherche la raison de ma présence ici. Comment est-ce possible? Sans que cette question m'effraie comme ce fut le cas lors des premières années, elle m'obsède, m'obsède littéralement, à un tel point qu'elle est devenue la raison de ma survie. Trouver la cause de ce voyage à travers les siècles, la cause de cette régression physique. Est-ce la volonté d'un dieu? La rivière Awash est-elle responsable de cet inexplicable événement? Ou bien tout ceci est-il explicable scientifiquement, mais inaccessible aux chercheurs de mon époque? J'ai sillonné tout le pays à la recherche de quelque chose, un indice, quelqu'un, n'importe quoi. Je marche depuis plusieurs années, ou plutôt, je préfère me dire que je voyage. Mais tout ceci n'a abouti à rien. Alors après tant de temps, je suis revenu là où tout à commencé. La rivière. Awash la traîtresse. J'ai nagé, sauté, plongé dans l'eau, j'ai même tenté de reproduire la chute qui m'a valu d'atterrir à cette époque. Mais rien n'y fait. Je ne trouve rien. Je cherche depuis des années, et je ne trouve rien. Je vais rester ici encore quelque temps. Et si je ne trouve toujours rien, alors je mourrai.
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TINSEA
Short StoryLorsque l'on perd tout ce que l'on a, tout ce que l'on est. C'est alors que l'on est enfin libre.