PARTIE 8

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2012. Trente huit longues années que les humains m'ont retrouvé. Trente-huit longues années que mon corps est exposé, déplacé, étudié. Alors je voyage. Je voyage jusqu'à n'en plus pouvoir. Jusqu'à être contrainte de réintégrer le crâne, vidée de toutes mes forces. Des centaines de personnes viennent me visiter. Ils se déplacent pour admirer le squelette d'une de leur ancêtre. Je ne suis pas votre ancêtre. Je fus comme vous. Avant. Il y a si longtemps. Je ne m'en souviens plus, mais je le sais. Je le sais car je me souviens d'une chose. Je me souviens d'un nom. Tinsea. C'est la seule qui me rapproche de vous, de vos faces plates, écrasées contre la vitre. Je n'en peux plus. Je veux que tout cela s'arrête. Je veux mourir. Véritablement. Mais ne suis-je pas déjà morte? Déjà morte et condamnée à voir, à entendre, à tout percevoir ainsi, sans pouvoir me déplacer physiquement, sans même pouvoir dormir? Peut-être est-ce ça la mort? Pas de réincarnation. Pas de montée aux cieux comme ils peuvent l'imaginer. Peut-être est-ce juste ça. Un état particulier, flottant, que l'on ne peut quitter? Peut-être, oui. Comment pourrais-je le savoir? Je veux des réponses. Je n'en aurai jamais. Je veux des réponses ou je veux mourir. Non, disparaître. Que tout ceci s'arrête, tout bonnement et simplement. Que je disparaisse entièrement. Que mon esprit quitte ce monde et meurt, comme les deux corps qu'il a habité autrefois. Je le souhaite. Je souhaite me reposer. À jamais. Et c'est là, c'est là que je l'ai vue. Elle. La petite fille à la peau noire foncée. La petite fille à la robe à fleur. Je la connais. Elle me connaît. Son regard est pur, innocent. Il croise le mien. Alors tout déferle. Le monde s'écroule, le temps le rejoint dans sa chute. Plus rien ne compte. Plus rien. Juste elle, moi. Tinsea. C'est son nom. C'est mon nom. Tout s'arrête. Une larme coule sur sa joue ébène. Une larme coule de mon orbite vide. Une larme coule sur ma joue ébène. Une larme coule de son orbite vide. Tout ceci avait-il un sens jusqu'à maintenant? Non. Voici enfin la réponse à toutes mes questions. Alors nous sourions. Et je disparais.

TINSEAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant