Chapitre 13

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-C'est à moi, ça ?

Cette petite merveille métisse était vraiment à elle et à ce malotru irresponsable ? Il la fixait de ses petits yeux bleus avec son visage joufflu et sa peau fripée.

Et pourtant, Laura ne comprenait pas cet engouement autour de son enfant. L'équipe médicale qui l'avait assistée jusqu'ici s'émerveillait de ce grand miracle de la vie, tandis qu'elle ne voyait qu'une créature trop petite et trop fébrile. Elle n'avait définitivement pas besoin de ça.

-Je n'ai pas changé d'avis. Je vais le faire adopter.

-Vous ne pouvez pas ! s'écria une jeune sage-femme.

Elle semblait investie dans son combat humanitaire du jour avec son visage rouge et ses cheveux mal coiffés.

-Et pourquoi ? lui rétorqua Laura bien décidée à ne pas se laisser faire.

-Vous ne pouvez pas délaisser vos responsabilités comme bon vous semble ! Je suis sûre que vous allez le regretter.

-Mes responsabilités, vous dites ? Mes responsabilités, vous dites ? Mes responsabilités étaient de me trouver un job pour payer mes études en fac ! Je ne suis pas inscrite cette année, j'ai pas d'argent et mon seul soutient a disparu dans la nature ! Croyez-vous que je peux m'embarrasser d'un enfant non désiré ? Pour le traiter comme ma mère l'a fait ?

Un lourd silence s'installa sur une chaise de la salle d'hôpital, bien décidé à camper là, seulement, c'était sans compter sur la fille allongée dans son lit décidée à vider son sac.

-Ne préférez vous pas qu'il soit traité comme il le mérite dans une famille prête à l'accueillir ou qu'il connaisse mieux l'assistante sociale que sa propre mère ? Je n'ai rien à lui apporter et croyez moi, je suis la première à le regretter.

Un admirable mensonge. Mais bon, mieux valait passer pour une gamine impuissante.

-Tu m'oublie un peu vite Laura. On peut très bien s'en occuper ensemble.

Si le truc qu'elle avait dans les bras n'était pas vivant, elle l'aurait réduit en miettes sous le coup de la colère.

-écoute moi ! (trou du cul) C'est la dernière fois que je te le dis : je n'ai jamais compté sur toi ! JAMAIS ! Et je ne le pourrai JAMAIS. Je ne peux pas juste faire confiance à un homme qui m'a abandonné du jour au lendemain pour des raisons d'orgueil ! Je ne sais toujours pas pourquoi tu m'as largué et après tout, je ne veux pas le savoir ! Tu n'étais pas là pendant la grossesse alors je ne vois pas ce qui te retient !

Est-ce qu'elle pleurait ? Elle ne le savait pas elle-même, tant d'émotions se battaient en elle et seule la colère, armée d'une mitraillette semblait gagner.

Mais vu comment on la dévisageait, elle ne devait pas avoir fière allure.

-Je... je vais chercher le formulaire... annonça le médecin pour chasser ce silence qui avait décidé de revenir les emmerder.

L'équipe médicale se retira, laissant la petite famille seule.

Le père, la mère, le fils.

Un homme, une femme et un enfant.

Trois étrangers.

-C'est à contrecœur que je t'ai laissée.

-Menteur.

Le regard d'Arthur se logea sur elle. Il avait presque l'air sincère. Une grande carrière de comédien semblait lui ouvrir les bras.

-J'avoue que c'était une initiative de ma part, mais on s'éclatait bien ensemble. T'étais sympa.

Laura fixait une massue invisible devant elle qu'elle rêvait de lui écraser sur le crane.

-Il me fallait pourtant repartir aux States pour reprendre l'affaire de mon père. Je suis quand même revenu pour toi ma puce.

-Et alors ?

Il se baissa vers elle pour caresser doucement le front de sa progéniture et regarder son ex de plus près.

-Tu sais très bien que vu le nombre de filles que j'ai fréquenté des erreurs j'en ai fait beaucoup, hein ? Mais c'est toi que j'ai choisi et je sais pas pourquoi. Alors accorde-moi cette faveur : garde notre enfant et laisse-moi te sortir de ta mouise.

Un élan de je ne sais quoi le poussa à déposer un baiser sur la joue de la jeune fille qui ne réagit pas pour ne pas montrer son extrême dégout.

-Où est Enora?

-Qui ?

-La femme que j'aime.

Elle eut le droit à un regard interloqué puis outré.

-Tu es... de ce bord là ?

Il se recula et alla s'assoir sur une chaise.

Lorsqu'il finit enfin sa discussion avec le silence, qui décidément adorait un peu trop cette chambre, il lança à la cantonade :

-Peu m'importe les histoires que tu pourras me raconter, on est désormais deux, dans cette affaire.


FamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant