Chapitre 7

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Je me suis effondrée dans mon lit. Des torrents de larmes cascadaient sur mes joues avant d'atterrir sur ce petit bout de papier vantant les tartes aux pêches que je tenais fortement. Je me dégoûtais atrocement d'avoir blessé, ma seule amie, Dalila. Elle est très sensible et j'ai touché son point faible ; l'amour qu'elle porte envers son défunt mari. Je sais que je ne rencontrais jamais de femme ayant autant aimé son mari qu'elle. Je suis d'ailleurs gravement en tord d'en parler au passé puisque ma Lila l'aimera même dans l'au-delà. Elle l'aimait sereinement et sans rien se reprocher. C'est un amour pur. Un tel amour ne peut naître que dans une utopie. Là où tout semble parfait. Là où le kitsch règne puissamment. Connaissez-vous le kitsch comme Kundera nous le présente dans son fameux roman : L'insoutenable légèreté de l'être ? Le kitsch est cette façon d'idéaliser la laideur de la vie. En fait, le kitsch est quelque chose d'objectif qui est fortement basé sur l'absence de faute. C'est un mensonge qui devient parfait, comme pardonné. À vrai dire, le kitsch nous permet de voir la vie à travers des lunettes roses.

L'amour que je portais envers Majid, avait atteint une personne de plus, mais qui en valait cent, Dalila. Un mal pour un bien, disent-ils ? Montrez-moi où se cache le bien ? Blesser gratuitement ? J'ai beaucoup trop d'estime pour celle qui m'a chérie, élevée et protégée pendant 18 ans. J'ai alors décidé de respecter son choix et mettre à terme mes sorties nocturnes. Voici un véritable mal pour un bien. Écouter Dalila, mais étouffer au palais tel que je le déteste. Je lui devais au moins ça. Au diable la fierté. Dalila valait plus que cela. C'est pourquoi le lendemain, de bon matin, je lui ai présenté mes sincères excuses.

Durant cette même longue et pénible nuit, les remords m'avaient carrément fait oublier pourquoi j'aimais cette femme. À mon apparition au cadre de sa porte, elle a délicatement tapoter près d'elle afin que je m'approche. Pour vous dire, j'ai presque couru vers elle comme une fillette et je me suis réfugiée dans le creux de son cou. Elle m'a laissé sangloter quelques secondes et m'a soufflé à l'oreille ;

— La colère fait dire n'importe quelle sottise.

J'étais apaisée à l'écoute de cette parole. Sa phrase retira un immense poids sur ma conscience. Elle comprenait donc que je n'ai pas pensé ce que j'ai malheureusement dit.

— Et l'amour fait commettre n'importe quelle bêtise, continua-t-elle. Romaïssa ne laisse pas cet amour te détruire, ma grande. Je crains la réaction de tes parents s'ils l'apprennent.

Un silence pesait dans la pièce. Je comprenais où elle voulait en venir et elle ne tarda pas à me le dire.

— Il est ... ouvrier et je te crois lorsque tu me promets qu'il est intelligent, mais le protocole-
— Je sais, Dalila, la coupai-je. Je connais ce protocole mieux que n'importe qui au Royaume. N'oublies pas qu'il me pourrit la vit depuis le début de mon existence, ajoutai-je entre deux sanglots.

Le retour à la réalité a toujours était violent dans mon cas. Ce petit jeu était voué à l'échec dès le début, mais je m'y suis accrochée malgré tout. Puis, voilà où j'en suis. Alors tel était la fin de Maïssa et Majid ? L'oublier ? Tourner la page sans même lui donner d'explication ? Décevoir Khalti ? Ne plus papoter avec Nawel ? C'est déjà trop dur à imaginer, alors agir... Je ne peux pas tout laisser et me nourrir de souvenirs jusqu'à la fin de ma vie. Quoi faire ? Quoi dire ? C'est insensé. Tout cela pour une question de statut sociale. C'est injuste, c'est dommage surtout. Je n'imagine pas ces tonnes de mariages abandonnées pour cette stupide condition d'hiérarchie. L'argent ne fait pas le bonheur. Certains doivent comprendre que l'argent rend seulement le malheur confortable.

À force de réfléchir tout en me faisant bercer par Dalila, j'ai finit par rattraper les heures de sommeil que j'avais perdu à cogiter cette nuit.

 « Étouffée, il la fit respirer »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant