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Quatre -

Été 1990, Iran, village de Cham-e-Riz.

O M N I S C I E N T

Nous voilà désormais en été, le soleil battait son plein, les enfants profitaient du beau temps pour jouer dehors, les prières de faisaient à l'extérieur, les femmes pouvaient déjeuner en compagnie de leurs amies dans le jardin.. Voilà à quoi se résumaient les journées ensoleillées.

Et dans tout ce bazar, il y avait Elnaz, sa lapidation approchait à grands pas. Les animaux avaient faim, cela faisait plusieurs jours qu'ils n'avaient pas mangé afin de manger le corps inerte d'Elnaz lorsqu'elle sera morte.

Tout le village était au courant de cette nouvelle, certains y croyaient et d'autres non, certains la soutenaient et d'autres non. Le village était divisé en deux clans ; les « pro-Elnaz » et les « antis-Elnaz » :

- « Elle n'a que ce qu'elle mérite. Tromper son mari, mais quel audace ! »

– « Totalement d'accord ! Une fille de putain deviendra comme sa mère, en voilà la preuve. »

Voilà ce qu'on entendait à longueur de journée.


- « Écoute ma fille. Lorsque je serais morte, tu remettra ces lettres à chacun de tes frères, discrètement. Tu leur avoueras que je les ai toujours aimé, même si ce n'est pas réciproque. » ordonnas Elnaz à Elaleh, sa fille.

- « Toi.. Je te lègue tout mes bijoux. Vends les ou garde les, fais en ce que tu veux, je te les donne. Et tu liras ça, une fois que je serais morte, compris ? » dit-elle en lui donnant la lettre.

- « Et pour Firouzeh.., tu lui donneras cette lettre ainsi que mon collier, d'accord ? » demanda t-elle à sa fille tout en retirant son collier.

– « Ummî, je veux pas.. Je veux pas que tu meurs.. T'as rien fais, je le sais. » dis Elaleh.

Elaleh sentit la tristesse s'enraciner en elle, se blottir parmi ses entrailles comme dans un nid douillet, et cette fois, elle tenta même pas de souhaiter qu'elle s'en aille, car une partie d'elle avait déjà compris que cela ne servait à rien. Sa mère allait mourir et il n'y avait rien à faire.

- « Écoute. Ce monde est déjà abîmé et le monde s'abîmera, n'oublies pas : aime tout le monde et fie toi à peu de personnes. D'accord ? Tu vas m'oublier ma fille.. Ça ne sera qu'une question de temps. » dit-elle en séchant les quelques larmes menaçant de tomber sur les joues de sa fille.

Elaleh hocha la tête et Elnaz sourit en embrassant le front de sa fille. Sa fin approchait, une fin non choisie par Dieu mais par des personnes remplis de rancoeur, de haine, ce sentiment qui poussait à détester quiconque jusqu'à lui en vouloir du mal.

- « Appelle moi ton père s'il te plait » supplia Elnaz.

Bien entendu, Elnaz n'avait aucun droit de sortir de la chambre, elle était close et seulement Mehran détenait la clé. Celui ci autorisait les visites de sa fille seulement, personne ne devait la voir, personne. Et puis de toute façon qui voudrait voir une femme aussi affaiblie, mourante et accusé d'infidélité ?

– « Ummî, tu en es sûre ? »

- « Oui. » dit-elle en riant. « Appelle le, je dois lui parler. »

– « D'accord.. » dit Elaleh en partant.

Deux minutes plus tard, Mehran se tenait debout, présent devant sa femme, qui elle était assise n'arrivant plus à se relever dû au manque d'eau et de nourriture.

— « Que veux-tu ? » questionna Mehran, un sourire mesquin aux lèvres.

- « Moi ? Je voulais simplement te parler, deux-trois choses, seulement. »

— « Dis toujours. »

- « Je te souhaite d'abord tout le bonheur du monde, pour toi, seulement. Reyhan souffrira autant que j'ai souffert et que les femmes qui sont passées avant moi. Mais essaye tout de même de la combler, apporte lui de la joie, ne te plains pas. Et ne la trompe pas, n'est ce pas ? »

Mehran suivait attentivement tout le discours d'Elnaz, les bras croisés contre son torse et cet air stoïque qu'il gardait toujours.

« Ensuite.. Je voulais te parler de ton mensonge, tu as réussi à retourner tout le monde contre moi, tu es fort, très fort. Mais c'est haram, tu le sais ? Ce mensonge énorme qui va causer ma mort, causera ta place en enfer le jour du jugement et devant Allah tu bégaieras. C'est triste. Oui, tu sais, j'ai lu un jour que les djinns étaient très menteur, mais que notre race, la race humaine les a dépassé maintenant. Et j'approuve totalement. »

Mehran se tut, une minime partie au fond de lui savait qu'Elnaz avait raison mais il était beaucoup trop fièr pour lui donner raison.

- « Pour finir, je voulais te dire que si jamais un jour tu regrettais, si ce jour arrivait. Mais Ô Dieu seul sait à quel point ce jour sera grand ! Je voulais juste te dire que tu es pardonné. Oui, je te pardonne. Tu as gagné, tout, tu as tout gagné. » finit Elnaz le sourire aux lèvres.

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« Le récit d'une lapidée. »

@MentalStoique

Le récit d'une lapidée. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant