Arthur
Je me souviens de notre première nuit comme si elle s'était passée hier. Même en dehors de l'orphelinat, notre rituel nocturne se poursuivait et ce soir-là, près du feu, nous discutions des pratiques religieuses au Togo. Je lui apprenais qu'en dehors du catholicisme, de l'islam et du protestantisme, la principale confession était l'animisme. Il s'agissait d'une croyance en une âme, en une force vitale animant les êtres vivants, les objets, ainsi que les éléments naturels comme les pierres ou le vent. Étant donné qu'à cette époque, sa transformation n'était pas encore totalement aboutie, alors que les flammes commençaient à s'éteindre, Zoé n'avait pu s'empêcher d'établir le parallèle avec le dessin-animé Pocahontas et la chanson chantée par l'héroïne principale " L'air du vent". Elle s'était mise à en fredonner les paroles. J'ai certes pu découvrir qu'elle avait une jolie voix, mais face à une telle absurdité, je n'avais décidément pas su quoi répondre. Alors, nous étions allés nous coucher, épuisés par notre deuxième journée de marche. D'habitude, pour me souhaiter une bonne nuit, sa bouche se contentait de frôler ma joue, mais cette fois-là, ses lèvres s'étaient rapprochées de la commissure des miennes. Un véritable délice qui avait fait se réveiller la bête sommeillant en moi... Je me rinçais les dents avec le fond d'eau potable qu'il restait dans ma bouteille quand son cri strident avait mis tous mes sens en alerte. La panique me comprimant la poitrine, tube de dentifrice et gobelet avaient été lâchés. Aussitôt, je me précipitais dans sa tente, priant tous les dieux possibles et inimaginables pour que ce ne soit pas une attaque des opposants au régime, ou une tribu que nous avions offusqué de par notre présence.
— Arthur ! Regarde ! Là ! Elle est énorme !
J'ai mis plusieurs minutes avant d'apercevoir ce que sa main tremblante me désignait réellement. En fait, il ne s'agissait que d'une araignée, certes, un peu plus grosse que la moyenne, mais il n'y avait aucune utilité d'ameuter tout le quartier à cause de cet insecte !
Rassuré, j'avais alors fait signe aux curieux de retourner dans leurs pénates, leur signifiant que la situation était désormais parfaitement contrôlée. Une fois la belle sauvée de cette monstrueuse arachnide, mes yeux n'ont pu quitter sa silhouette. Zoé était tapie au fond de sa tente, ses bras entourant ses genoux, les yeux exorbités de terreur. Cette image restera à jamais gravée dans ma mémoire car, pour la première fois, je voyais la femme qu'elle était réellement. Elle ne portait aucun maquillage pour dissimuler ou tenter d'embellir les traits de son visage. Plus aucune fierté ne brillait dans son regard. Elle était tout simplement magnifique. Surtout qu'à la place de ses tenues hautement étudiées, même en pleine brousse, elle portait un pyjama des plus insolites, ne laissant, en plus, que peu de place à l'imagination... Un simple débardeur bleu ciel en coton- au travers duquel pointaient ses tétons- et sa culotte assortie. Le tout à l'effigie de Snoopy.
— C'est bon, tu as le droit de te moquer ! m'avait-elle dit, l'air faussement outré.
— Mais, je n'ai pas envie de rire !
— Tu es gentil, mais je n'en crois pas un mot. Penses-tu sincèrement que je ne te vois pas mordre l'intérieur de tes joues ? Pour tout te dire, mes sous-vêtements en dentelle me grattent à cause de la chaleur. Et tous mes autres habits sont déjà sales.
— Ok, j'avoue que je ça me surprend de te voir comme ça. Tu es tellement mignonne ! Tu veux que je t'apporte un biberon, petite fille ? ajoutais-je, plus ironique que jamais...
— Ah ah très drôle !
— Mais tu vois, contrairement à ce que tu a l'air de penser, les morceaux de tissu que tu vêts ne m'intéressent pas, repris-je plus sérieusement. C'est ce qu'il se trouve à l'intérieur que je regarde.
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Une ombre dans mon coeur ( en pause) ( protégé par copyright)
RomanceLorsqu'on m'interroge sur mon passé, je ne sais jamais quoi répondre car je ne me souviens pas des vingt premières années de ma vie. Alors je me contente de répéter ce que mon mari m'en a raconté. Au début, cela me dérangeait mais j'ai appris à vivr...