Epineux dossier

335 47 52
                                    

Lorsque j'arrive au bureau, c'est comme si je l'avais quitté la veille. En l'espace d'une semaine, je me rends compte que finalement, rien n'a changé. Les cadres illustrants les projets desquels nous nous nous sommes occupés saturent toujours les murs, et le bruit des cliquetis de mes collègues tapant frénétiquement sur leurs claviers, toujours aussi insupportable. Mes talons s'enfoncent encore dans l'épaisse moquette grise - élimées par les pas que nous faisons à longueur de journée - lorsque je vais rejoindre ma place. Cynthia, ma voisine de poste, m'accueille avec un immense sourire aux lèvres :

— J'en connais une qui n'avait pas envie de reprendre, me lance-t-elle discrètement en me faisant un clin d'oeil.

— Oui, j'ai raté le réveil...

— Une première pour mademoiselle Zoé ! Jamais je ne t'ai vu arriver en retard.

— En espérant que se soit la dernière. Je déteste ça !

Celle que je crois pouvoir désormais qualifier d'amie n'a pas tort en insinuant que je suis légèrement psychorigide sur les bords. Je le suis devenue par nécessité et non par plaisir. Même si je tente de m'en détacher, ma peur de la rechute est omniprésente. Alors, bien qu'il y ait eu un léger dérapage ce matin, je me force à respecter scrupuleusement les règles que je me suis fixées.

— Bon on s'en fiche, on ne va pas en faire une maladie. De toute façon, le boss n'est pas là aujourd'hui. Raconte-moi plutôt tes vacances.

— Ça fait un bien fou de déconnecter ! Nous avons pu avancer dans la maison, je suis super contente ! Et même si j'ai hâte de les retrouver, je dois avouer qu'une semaine sans enfants, c'est le top !

— Je m'en doute ! J'en ai parlé à Julien et je crois que nous allons aussi songer à les faire garder. Nous nous sommes un peu oubliés ces derniers temps et nous avons besoin de nous retrouver, si tu vois ce que je veux dire...

— Parfaitement ! De ce côté-là aussi c'est plus simple, crois-moi ! Tu n'es pas obligée d'attendre qu'ils fassent la sieste, pas cantonnée à la chambre à coucher... Tu es totalement libre ! Entre nous, pendant ces sept jours, j'ai vraiment eu l'impression que mon mari s'était transformé en un ado en rut !

— Zoé de tels propos dans ta bouche ?

— Ben oui, c'est si étonnant que ça ?

— Disons que je n'y suis pas habituée. Tu restes toujours tellement discrète à ce sujet. C'est comme si tu venais de me raconter la position dans laquelle vous l'aviez fait et que tu me détaillais tout le plaisir qu'il t'avait donné !

— Oh ! Arrête ! Je ne suis tout de même pas aussi prude ?

— Ben...

— ... Ok, stop, j'ai compris ! Je ne te dis pas que je me suis transformée en reine du sexe, mais ces séances de sport ont l'air de m'avoir quelque peu réveillée...

— Oh ! Une nouvelle Zoé est née ! Secrétaire le jour, maîtresse insatiable la nuit !

— Ne dis pas n'importe quoi ! Attaquons, ça vaudra mieux.

Je crois que je préfère encore me mettre au travail plutôt que de continuer à aborder ce sujet on ne peut plus gênant. J'ai l'impression qu'ils se sont tous donnés le mot ce matin ! Un peu comme s'ils avaient fait une réunion secrète hier soir pour établir un plan, et ainsi me faire comprendre que je suis à moitié frigide !

— Alors, quoi de neuf ici ?

— Pas grand chose, tu t'en doutes bien. Sauf que notre cher patron est sur les dents à cause de ce foutu contrat ! Vivement qu'il soit signé qu'on ait un peu la paix !

Une ombre dans mon coeur ( en pause) ( protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant