CHAPITRE 16: Alicante

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Je suis assise au bout d'une longue table dont je ne vois pas le bout. Il se perd dans la pénombre malgré les nombreux chandeliers disposés à intervalles réguliers. Divers plats salés ou sucrés, chauds ou froids, pimentés ou doux sont posés sur la table. Je distingue un poulet rôti aux cèpes, une grande soupière fumante pleine de potage aux légumes verts, une gelée rose, du foie gras accompagné de confiture de figues, une tarte aux pommes embaumant la cannelle, un saumon entier à l'aneth et même un cheesburger contenant cinq steaks. Il y a aussi des sushis, des nachos, une grande paella, des grillons grillés, des fajitas et tout simplement des salades composées au thon, aux œufs, au poulet ou aux pommes de terre.
Placés devant moi se trouvent une assiette en argent, plusieurs couteaux, fourchettes et cuillères de toutes les tailles et de toutes les formes et trois verres à pieds. Le plus petit est rempli d'un vingt rouge sang, le moyen contient une eau finement pétillante et le dernier de l'eau plate.
Dans mon assiette, il y a une grosse portion du plat aux cacahuètes, poivrons et poulet qu'à préparé Cathya.
Mon ventre gargouille.
Il faut que je mange.
Malheureusement, il y a trop de fourchettes. J'en choisit donc une au hasard et la plonge dans mon assiette. Je la porte à ma bouche mais elle tombe soudainement au sol. Je me penche pour la récupérer mais elle a disparu, la nourriture qu'elle contenait avec elle.
Je me redresse, bien décidée à manger. J'observe attentivement les fourchettes pour trouver la plus normale possible. Je prends la neuvième en partant de la gauche et je recommence.
Mêmes gestes.
Même chute.
Même disparition.
Je reproduit ces gestes encore deux fois avant de m'apercevoir que quelque chose cloche: toutes fourchettes réapparaissent mais la nourriture, elle, disparaît bel et bien.
Mon ventre fait un boucan du diable.
Je dois absolument trouver la bonne fourchette sinon je risque de ne plus rien avoir à manger.

Je trouve la bonne au bout de six essais infructueux. C'était la dix-huitième en partant de la gauche. Je mange rapidement même s'il ne me reste que quelques bouchées.
Une fois qu'il ne reste plus une miette dans mon assiette, ma faim se calme enfin et j'ai soudainement impression d'avoir trop mangé. Toute cette nourriture sur la table me donne la nausée. Je sens un goût de bile dans ma bouche.
Je ne peux pas me retenir et je vomis sur la table. Ce n'est pas du vomis ordinaire: ce sont de minis pâtisseries. J'ai vomis de petits éclairs au chocolats, choux à la crème et autres tartelettes aux fraises.
Je suis tellement stupéfaite que je tombe de mon siège. Mais je n'atterris pas sur le sol car il n'y a pas de sol. Je tombe dans un gouffre sans fond.
Je veux battre des bras mais quelque chose m'en empêche. Mon bras droit est tiré en arrière par un tube translucide planté dans une de mes veines.
Une sensation de brûlure me fait tomber dans les vapes.

J'ouvre les yeux et me redresse brusquement, en sueur. Une douleur lancinante me transperce le crâne. Je me rallonge doucement pour reprendre mes esprits.
J'essaye de me rappeler ce qui c'est passé et comment je suis arrivée là. Je me souviens du combat contre Mãthorn et ses loups, de la douleur atroce dans mon bras et d'avoir perdu connaissance dans la rue. Par contre, comment je suis arrivée là... je n'en sais rien. J'observe la pièce dans laquelle je me trouve.
C'est une chambre rectangulaire aux murs de pierre recouverts de tapisseries colorées représentant des batailles entre des chats et des loups ainsi que des rois et leur famille.
Je suis allongé dans un lit à baldaquin. Les nombreux oreillers disposés dans mon dos sont moelleux et les draps sont doux et sentent les fleurs de cerisiers.
Au pied du lit se trouve un coffre en bois d'acajou, une commode et une coiffeuse sont placées contre le mur à gauche du lit.
La lumière entre en abondance par une immense porte fenêtre qui recouvre tout le mur de droite. Elle donne sur un long balcon. Étant allongée dans le lit, je ne distingue que du ciel bleu et orangé.
Un picotement dans mon bras droit je fais tourner la tête: une aiguille est plantée dans mon bras, reliée à un tube transparent dans lequel s'écoule un liquide bleu piscine en provenance d'un sachet accroché à une sorte de porte-manteaux métallique sur roulettes. C'est une perfusion, qui fait tâche dans ce décors médiéval.
Je me redresse, doucement cette fois-ci et pose mes pieds sur le sol en pierre. Je suis surprise car je m'attendais à ce qu'il soit froid et dur mais il est chaud et mou.
D'épais tapis colorés recouvrent le sol de la pièce.
Je me lève avec précaution et m'observe dans le miroir de la coiffeuse. Je suis vêtue d'un pyjama beige en soi et mes cheveux sont tout emmêlés.
J'attrape la perfusion et fait le tour du lit pour rejoindre la porte fenêtre. Je l'ouvre. Un courant d'air frais pénètre dans la chambre. Je frissonne mais je sors quand même sur le balcon.
La vue est spectaculaire! Le château dans lequel je me trouve est situé au bord d'une haute falaise. Au pied et tout autour s'étend une ville baignée par la lumière du soleil couchant.
De grandes tours de verre côtoient des maisons de plusieurs étages. Des passerelles relient les tours  entre elles à divers niveaux.
De nombreux jardins florissants sont disposés un peu partout ainsi que des fontaines sur chaque place. Les rues sont pavées, certaines étroites et sinueuses s'entrecroisent, alors que d'autres sont larges, bien droites et ordonnées. Dans ces rues se côtoient des piétons, des chats et des calèches tirées par des chevaux. Dans les plus larges il y a aussi des sortes de tramways. Leurs voies ne sont pas pavées mais sont délimitées par des traits rouges.
Je plisse les yeux.
Ils n'ont pas l'air de toucher le sol comme s'ils... lévitaient. Il faudra que je pose la question à Cathya.
Dans la pénombre du jour déclinant, les lampadaires commencent à s'allumer ainsi que les lumières aux fenêtres des tours et des maisons.
Au sommet de chaque tours, une gigantesque boule de lumière blanche éclaire les alentours.
Le soleil couchant nimbe le paysage de reflets dorés et oranges. Le ciel est bleu marine, violet, rose puis décline dans un dégradé de rouge, orange et jaune.
C'est magnifique!

J'entends un raclement de gorge. Je sursaute et me retourne.
Toute à ma contemplation, je n'ai pas entendu la porte s'ouvrir et Cathya entrer.
Elle me fait un grand sourire et je lui rends. Je rentre dans la chambre.
Elle désigne d'un geste de la main l'extérieur et dit:
- Bienvenue à Alicante.

At dawn every cats are...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant