Illusion

Septième jour

Marieet Nadine s'installèrent à leur table favorite de la cantine desFantômes : celle qui leur permettait de garder un œil surtoutes les allées et venues des cantines des Illusions et desFantômes.

Mariepoussa un profond soupir en observant les Illusions. L'agitation dela veille avait totalement disparu. Les Illusions ne venaient plusmanger en vitesse pour repartir à la recherche des trois personnesqui avaient fui Fatum. Les Méprises ne se pressaient plus de venirvoir les Illusions pour leur donner des renseignements qu'ilsavaient le plus souvent obtenus par des indiscrétions ou contre del'argent. Les Mirages avaient cessé de se regarder en chiens defaïences, cherchant à savoir si l'un d'entre eux avait pu veniren aide à Mirage 240.

Etpuis, il y avait cette nouvelle section, les Hasards...Qui pouvaitleur faire confiance ? Ils étaient arrivés au bon moment, aubon endroit pour régler un problème grave. C'était unecoïncidence qui ne convenait pas à l'esprit tordu du Fantôme.

Nadinesuivit le regard de Marie.

– Ondit qu'on l'a retrouvé, déclara-t-elle.

–Qu'on a retrouvéqui ? demanda machinalement Marie

–Celui que tucherches dans la foule. Illusion 332.

Mariesembla s'illuminer, soudain.

–C'est vrai ?On l'a retrouvé ?

–Oui. Cette nuit.C'est ce que j'ai entendu dire, en tout cas.

– Oùça ?

– Jene sais pas. La Méprise qui me l'a dit ne l'a pas précisé.

–Comment ont-ilsfait ? Il s'est trahi d'un coup, comme ça ?

Nadinesecoua la tête en signe de dénégation, puis désigna la cantinedes Mirages.

–Mirage 240... ilsemblerait qu'elle l'ait trahi. Elle l'avait suivi sanscomprendre ce qu'il voulait, et elle a fini par en avoir assez deses délires. Alors, elle est revenue ici et a révélé l'endroitoù il se cachait.

–Elle l'a trahi...

–Oui.

Lesdeux femmes se turent alors qu'un Fantôme plus âgé qu'elles,portant matricule 267, passait non loin d'elle.

–Elle doit êtresoulagée, murmura Nadine en montrant la femme du menton.

–Oui. Miriam est unegrande amie de Rachel, à ce qu'il paraît.

–Oui.

–Tout de même... Jene sais pas si je l'aurais dénoncé, fit Marie.

–Moi, oui, avouaNadine sans baisser les yeux.

– Tul'aurais fait ?

–Oui. Je lacomprends. Elle a dû penser qu'elle ne reverrait plus jamais sonEspoir. Tu sais, il y a une rumeur qui prétend que l'Espoird'Illusion 332 ne recevra plus jamais de soins. Tout ça parcequ'il est entré dans le quartier des Espoirs et a refusé derecevoir sa punition ! Elle ne veut pas que son Espoir subissela même chose. Je la comprends...Je la comprends très bien.

Lesdeux femmes restèrent muettes de stupeur lorsqu'elles virent unhomme à l'air désorienté s'avancer dans la cantine desIllusions. Il portait les cheveux courts, pratiquement rasés, et sursa poitrine arborait le matricule 332.

L'hommes'avança dans la file d'attente, regardant autour de lui commes'il cherchait quelque chose. Son regard monta jusqu'à lacantine des Mirages, et son expression s'attrista encore un peuplus. Lorsqu'il eut son plateau bien plein en main, il s'arrêtaun instant au milieu de la salle, cherchant ses repères. Ne lestrouvant pas, il alla s'installer à une table, à part, comme s'ilne connaissait personne alors que chacune des Illusions présentesici avait été l'un de ses amis.