On le met en joue, mais on ne tire pas. Lentement, en roulant des épaules - alors que ça stature n'est ni impressionnante, ni effrayante - Gustaf se fraye un chemin entre les squatteurs. Il pose une main solide et immobile sur le métal chaud et usé d'un flingue, obligeant son porteur à abaisser l'arme.
— Si tu tires encore une seule fois, tu partageras le même sort que les morts ambulants. Et crois-moi, un couteau dans le crâne est plus vite arrivé qu'une balle.
En plus d'être une belle brochette d'abrutis, ils n'ont pas de couilles. Oh, des armes, ils en ont à foison. Mais il leur manque un attribut essentiel à la survie : des tripes solides. Et peut-être une absence de sentiments humains, négligeables, du point de vue de l'allemand - ce sont des faiblesses à éradiquer, des poids, des boulets que les survivants se traînent.
La solitude, c'est mieux.
On survit, seul. En bande, on s'imagine vivre, et c'est la fin.
Trop de complications à gérer, en bande. Entre les élucubrations sentimentales, les déceptions des uns et les tristesses des autres. Ceux qui gueulent, ceux qui se disputent et ceux qui baisent. Ensemble, les hommes sont bruyants. Ils l'ont été, avant. Et ils le sont toujours, malgré les morts qui remplissent les rues, malgré la peur qui broie les tripes des vivants.
Avec la même lenteur flegmatique, Gustaf traverse le groupe de squatteurs.
Dans son dos, l'homme qui semble être le chef de la bande crisse des dents. Il fait sauter la sécurité de son arme, la pointant droit sur le crâne d'un Gustaf désormais immobile.
— T'vas m'écouter attentivement, sale merdeux. Ta planque à deux balles, on s'en branle. Par contre, on veut ta bouffe et les clés de ta caisse et de ta moto. Maintenant.
— Je suis à regret de vous informer que mes placards sont vides, messieurs.
Avec la rapidité du serpent, Gustaf dépossède l'homme de son arme. Trop lent, l'abruti. Mais il ne s'en sert pas. C'est sa clé à molette qui voltige, éclatant la dentition imparfaite du pseudo-chef en un clin d'œil.
Il s'écrase au sol, abasourdi, sonné.
Mais déjà, la botte de l'allemand s'écrase sur son crâne. Le sang gicle. Mais pas la cervelle ; la boîte crânienne cède, par contre. Dans un écœurant craquement sec.
Au moins, il ne se transformera pas en zombie après avoir rendu son dernier souffle.
En sortant son chiffon, Gustaf se tourne vers les membres de la bande, dépossédé de leur meneur. Sans tête, ils tomberont inexorablement dans l'abime. Enfin, ils se relèveront tôt ou tard. Mais pas en tant qu'homme, pas en tant qu'âme, pas en tant qu'enfant du Divin. Plutôt en tant que démon.
— Qui veut être le prochain ?
Le ton est badin. Son attitude, joviale. Mais la façon dont Gustaf tient le pistolet prouve son expertise avec les armes à feu. Il sait les tenir. Il sait obligatoirement s'en servir.
Il continua sur sa lancée, la gorge sèche. La voix rocailleuse. Il n'a pas l'habitude de parler. Il ne l'a jamais eu.
— Partez. De toute façon, vous êtes déjà des hommes morts.
Et lui aussi, à déjà un pied dans la tombe. Il ne fait qu'allonger son fil de vie jusqu'à ce qu'il cède.
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dead men
Horror"Dead men tale no tells." Mais ils marchent, les hommes morts. Ils marchent et ils dévorent les vivants.