2. EDDY

79 15 0
                                    


Suintant la sueur par tous les pores, il exulte l'épuisement. Mais aussi l'envie désespérée d'atteindre la maison - ou plutôt le taudis qu'il squatte. Eddy s'autorise à regarder derrière lui une fraction de seconde. Ce minuscule bout de temps aurait pu causer sa perte.

Une main glaciale, à la peau pourrissante et aux os apparents effleure dangereusement son t-shirt. Elle cherche à l'agripper. Mais il accélère le pas. Il commence à courir. Tant pis pour son palpitant fragile et ses jambes flageolantes ; il préfère crever à l'abri que se faire boulotter la gueule par une brochette de cadavres ambulants. Il n'ose pas l'imaginer, en vérité. Il préfère se complaire d'avoir la chance inespérée d'être encore en vie, alors que le monde est déjà mort. Peut-être que les dieux le favorisent. Ou alors, ce n'est qu'un enfoiré au cul bordé de nouilles. On le haïssait pour la multitude de championnats d'échecs et d'autres jeux de réflexion remportés sans même se bousiller les neurones. On le haït pour la facilité qu'il a à survivre, quoi qu'il arrive. Mais cette fois-ci, Eddy se sent proche de la mort. En fait, il parvient même à sentir ses effluves méphitiques et vomitives.

Alors il cavale encore plus vite.

Dans sa main droite, une machette aiguisée. Il ne sait pas vraiment s'en servir. Mais il a lu quelque part qu'il s'agit d'une des armes les plus efficaces contre les zombies - en tout cas, lorsque l'on a que ça sous la main, autant s'en saisir. Et dans sa main gauche, il tient un sac. Il est bourré de boîtes de pâté pour chats, de conserves vieillottes et de bouteilles remplies d'eau croupie et boueuse.

Encore une fois, il s'autorise à jeter un coup d'œil en arrière.

Il soupire de soulagement, ralentissant progressivement sa course folle pour adopter un rythme soutenu, mais supportable. Les zombies sont loin. Trop lents pour l'atteindre.

Eddy bifurque à droite, rasant les murs en évitant les zones surpeuplées de morts qui marchent. Il traverse discrètement une maison aux portes ouvertes. Et il sourit, lorsque la maison s'étale sous ses yeux, à quelques mètres. Il franchit le jardin de la baraque voisine, satisfait qu'elle soit déserte. Sautant par-dessus la haie, Eddy manque de se rétamer dans l'herbe poisseuse. Il se rattrape de justesse. Et il atteint la porte de derrière, fier comme un coq. Il est en vie. Epuisé, mais en un seul morceau.

Il lève une main vers la porte pour y gratter trois fois d'affilée. Trois secondes de battement entre chaque grattement. C'est le code. Et ça suffit pour que l'on entrebâille la porte.

— Tu m'laisses entrer, Gio ? J'ai trouvé de quoi bouffer.

— J'ai cru qu'c'était moi qui allait s'faire bouffer.

dead menOù les histoires vivent. Découvrez maintenant