1. GIOVANNI

208 21 13
                                    


Merde.

Il y en a partout. Peut importe où ses yeux se posent, une multitude de cadavres pourrissants traînent dans les rues. Entre eux et lui, du bois. Une porte renforcée de planches clouées à la chambranle. Quelques interstices, aux fenêtres. C'est là qu'il regarde, les viscères malmenées par la peur. Giovanni sait que de toute façon, il est foutu.

Ils sont tous foutus.

Ils ne savent juste pas quand ils rendront l'âme. Peut-être dans dix ans. Peut-être la semaine prochaine. Peut-être demain. Peut-être aujourd'hui. Peut-être même maintenant, pour certains. Et ses doigts tremblent, à cette pensée. Un filet de sueur dégouline le long de sa nuque, salissant encore un peu plus son t-shirt puant et crasseux. Il pue, Giovanni. Mais pas autant que les morts qui se promènent dans les rues, attendant de goûter au parfum exquis de corps bouillonnants de vie. Le rouquin espère que le jour où ses abominations l'attraperont, il aura le temps de se tirer une balle entre les deux yeux. Il en a vu, des mecs se faire boulotter jusqu'à la moelle en gueulant encore à l'aide. Et il a fait parti des connards qui ont profité de cette chance inespérée pour disparaître dans les tréfonds de la nuit.

Il grimace, en pianotant nerveusement sur le rebord d'une latte de bois. Il est nerveux, nauséeux et manque de rendre son repas d'une seconde à l'autre. Enfin, la bile qui grignote son estomac, plutôt. Il est vide. Depuis deux jours. Et ça lui fait tourner la tête d'une drôle de façon ; il en oublierait presque où est le nord. Peut-être bien vers Dallas ?

Il divague, le rouquin. Il perd lentement la boule. Il ne s'en rend pas compte. Alors il se recule de la fenêtre, s'asseyant dans un canapé éventré. La poussière chatouille sa gorge et ses narines, alors il tousse. Mais pas assez fort pour les alerter.

Ses tripes lui font toujours aussi mal. Elles se tordent et se retordent dans tous les sens. La faim ? La peur ? Les deux, entremêlés, indivisibles ? Il ne sait pas, il ne sait plus. Mais l'insecte qui grimpe le long de l'accoudoir l'attire inexorablement. Lentement, ses doigts aux ongles noircis par la crasse se glissent à sa poursuite. Plus que quelques millimètres... Et il attrape la bestiole. Elle se débat. Agite ses pattes dans le vide. Elle n'a pas le temps de comprendre ce qu'il lui arrive ; elle est déjà gobée, mastiquée, avalée.

Mais Giovanni tremble toujours autant. Sa jambe droite s'agite, parcourue d'un spasme qu'il ne parvient pas à maîtriser. Il tape du pied. Une fois. Deux fois. Trois fois. Se détend. Un peu.

Suffisamment pour expulser l'air de ses poumons.

Et le ravaler vivement en entendant des grattements, à la porte de derrière. Son cœur palpite mais il trouve le courage de se lever. Vacillant, mais surtout affamé, il agrippe fermement la poignée dans sa main droite. Il l'oblige à pivoter et déloge la porte de ses gonds. Il sait que les zombies ne grattent pas de cette façon-là. Enfin, il l'espère.

De toute façon, il est déjà foutu.

dead menOù les histoires vivent. Découvrez maintenant