Ils mangent en silence, dans le salon calfeutré de la maison. Giovanni joue avec sa cuillère dans la boîte de pâtée. Le goût ne le dérange plus, maintenant. Il s'y est habituée, à force de n'avoir la possibilité de ne se remplir l'estomac qu'avec ça.
En face, sur le canapé, Eddy. Un instant, le rital croise son regard. La terre et l'océan se rencontrent et font des étincelles - ou plutôt, des tremblements de terre.
Ils s'aiment.
Mais ils n'ont pas le droit, pas dans un monde comme celui-là. Pas dans un monde où poser le pied dehors est l'équivalent d'une balle tirée à bout portant en plein milieu de la poitrine. Eddy est toujours revenu entier, jusque là ; mais les rues minées de zombies auront un jour sa peau. Et ses os. La bouche du rouquin s'assèche soudainement. Il repose la boîte puante sur la table basse sans émettre un cliquetis, avant de se tordre nerveusement les doigts.
- Qu'est-ce que t'as, Gio ?
- Rien.
- Te fous pas de ma gueule. Je te connais par cœur, rétorque Eddy. Alors dis-moi.
Giovanni soupire, laissant sa tête dodeliner contre le dossier de sa chaise miteuse. Il ferme les yeux, pensif. Autour de lui, c'est silencieux. Ou presque. Les morts qui marchent gémissent des sons gutturaux, latents. Ils n'ont personne à se mettre sous la dent. Et certainement pas les deux jeunots, claquemurés dans la maison d'un petit bourg déserté de toutes les autres âmes vivantes.
- C'est toujours toi qui sort. Toi qui ramène de la bouffe. Toi qui manque à chaque fois de te faire bouffer le cul.
- Et ?
- Je suis qu'un putain de trouillard doublé d'un lâche. Je suis déjà un...
Un homme mort. Mais il n'a pas le temps de finir, Giovanni. Des coups de feu résonnent, ainsi que le bruissement de bottes sur l'asphalte. Ils s'immobilisent en tendant l'oreille.
Ils ne sont pas seuls, dans ce bourg miteux. Ils ne l'ont jamais été.
Pourtant, malgré ses innombrables sorties, Eddy n'a croisé personne. Pas un homme, pas une femme, pas le moindre enfant. Que des cadavres ambulants. Que des morts. Alors... pourquoi maintenant ? Pourquoi quelqu'un tire ? Pourquoi quelqu'un en rameute d'autres, des abominations ? Giovanni se ronge les ongles nerveusement, jusqu'au sang. Il s'en fout, de la douleur ; elle n'est que passagère. Et surtout, elle n'est pas aussi féroce que la frayeur qui s'insinue dans ses tripes. Les grognements des zombies répondent aux coups de feu.
Giovanni les entend, les grognements.
Eddy aussi. Sauf qu'Eddy se lève sous le regard exorbité du rouquin et s'avance jusqu'aux lattes bloquant l'une des fenêtres. Dehors, une multitude de morts qui marchent se pressent sur la route. Attirés par le bruit. Attirés par la possibilité de se repaitre de chair fraiche.
- Gio, y'a une gamine dehors. On peut pas la laisser là, elle va s'faire bouffer !
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dead men
Terror"Dead men tale no tells." Mais ils marchent, les hommes morts. Ils marchent et ils dévorent les vivants.