I - Pluie

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Benjamin est assis à une table, il boit du café. Jean entre, s'assoit aux côtés de Benjamin et observe le public.

JEAN – Tiens, il pleut.

BENJAMIN – Bien triste constatation.

JEAN – Je ne trouve pas. La pluie, c'est de l'eau. N'a-t-on jamais besoin d'eau ? Je crains que si.

BENJAMIN – Mais n'a-t-on jamais besoin de soleil ? D'air chaud ?

JEAN – Le soleil ? Je vous prendrais pour une plante verte si cela était. Quant à la chaleur, il n'existe que trop de moyens revigorants. Tenez par exemple une femme.

BENJAMIN – Plaît-il ?

JEAN – Une femme, dis-je. Tout homme manquant de chaleur saura en trouver chez la femme. Que ce soit par le biais d'aimables compliments à vous faire monter le sang aux joues ou par celui d'incessants enlacements, une femme saura vous réchauffer.

BENJAMIN – Encore faut-il une femme.

JEAN – Qui veut a.

BENJAMIN – Qui peut a.

JEAN – Non. Je dis bien vouloir. Car le pouvoir provient du vouloir. Donc pour pouvoir, il faut vouloir. Dans ce même procédé, qui peut a et qui veut a.

BENJAMIN – Vous m'avez bien l'air sûr de vous.

JEAN – J'ai longtemps désiré une femme. Puis une autre. Et encore. Et tant d'autres. Que ce soit la fille, la mère, la femme, la cousine ou même la sœur d'une de mes précédentes conquêtes, je l'avais. Me voilà bien las de tout cela.

BENJAMIN – Vous voilà surtout chanceux.

JEAN – La chance ne joue pas dans le devenir d'un homme et de ses pulsions. C'est l'homme en question qui influence ses capacités à avoir ce qu'il désire.

BENJAMIN – N'importe quel homme peut d'après vous conquérir la femme qu'il veut ?

JEAN – Vous voilà bien instruit, mon cher ami.

BENJAMIN – Mais comment le vouloir peut-il devenir le pouvoir ?

JEAN – Regardez par cette fenêtre.

BENJAMIN – Il pleut.

JEAN – N'est-il pas ?

BENJAMIN – Et alors ?

JEAN – Si je veux aller sous cette pluie, que dois-je faire ?

BENJAMIN – Sortir, peut-être ?

JEAN – Précisément. Mais comment dois-je m'y prendre ?

BENJAMIN – Ouvrez donc la porte et franchissez-la.

JEAN – Voilà une pertinente réponse, cher ami. Mais qu’adviendra-t-il de moi si jamais je souffre d'une maladie m'empêchant de mettre pied dehors ?

BENJAMIN – Pourquoi ajouter une contrainte ?

JEAN – La vie possède-t-elle des contraintes ou se contente-t-elle d'offrir la bonté propre à chaque être humain ? Nous avons beau avoir atteint le sommet de la perfection humaine, nous ne sommes pas plus immunisé contre ces contraintes qui ont pour but de nous renforcer qu'un écureuil.

BENJAMIN – Un écureuil ?

JEAN – La porte, disiez-vous ?

BEJAMIN – Si vous tenez tant à ce que la pluie vous touche, laissez la porte ouverte et faites-la entrer.

JEAN – Et voilà la réponse que je donne à votre précédente question. Si vous voulez quelque-chose, laissez le entrer et vous pourrez alors l'avoir.

BENJAMIN – N'était-ce que cela ?

JEAN – On-ne-peut-mieux.

BENJAMIN – Donc si je veux une femme, je la laisse entrer dans ce café ?

JEAN – Simple façon de parler, mon cher ami. Faites-la entrer dans votre vie.

BENJAMIN – Est-ce là votre avis ?

JEAN – Parole de moi même.

BENJAMIN – Soit. Je vais tacher d'appliquer votre méthode et dès demain, rendons-nous à ce même café pour discuter de mes résultats.

JEAN – Grâce à moi, le ciel vous comblera, mon cher ami !

BENJAMIN – Vous m'en voyez ravi.

Benjamin se lève et sort.

Cher AmiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant