Benjamin est assis à une table. Jean entre, s'assoit aux côtés de Benjamin et observe le public.
JEAN – Tiens, il... Il n'y a rien. Que de l'air et une étrange sensation de vide. L'épais néant de cette rue m'effraie.
BENJAMIN – Ce vide si reposant m'offre pourtant une sensation de bien-être, cher ami. Je puis même repenser à tout ce qui m'est arrivé... D'abord Marion, Teddy, Clémence... Une vie si remplie que je ne puis guère en supporter les lourdes conséquences.
JEAN – Que cette absence m'effraie.
BENJAMIN – Quelle absence ? Celle de la tumultueuse et incessante routine quotidienne, ou celle encore de l'ennui répétitif des tâches domestiques que l'on se fait un devoir de faire pour ceux que l'on aime ?
JEAN – Je ne saurai m'y faire...
BENJAMIN – Rassurez-vous, le bonheur peut effrayer...
JEAN – Comme nos conversations vont me manquer, cher ami.
BENJAMIN – Pourquoi vous manquer ? Partez-vous ?
JEAN – Sachez, en tout cas, que Marion se porte bien.
BENJAMIN – Bien que cette information m'enchante, je me dois de vous redemander : allez-vous partir... ?
JEAN – Elle s'est bien remise du choc.
BENJAMIN – Le choc ? Quel choc ?
JEAN – Je l'ai réconforté autant que je sus le faire...
BENJAMIN – Fort bien, mais pourquoi dites-vous cela ?
JEAN – Sachez également que Justine et sa mère sont de retour en ville. Brigitte a accepté que je la voie. Peut-être qu'avec le temps, ma petite Juju viendra chez moi. Du moins pour des vacances ou un week-end...
BENJAMIN – Vous m'en voyez ravi, mon ami.
JEAN – Si vous pouviez la voir... Sur le courrier de Brigitte, il y avait une photo. Qu'elle a grandi, la chipie !
BENJAMIN – Je n'en demande pas moins !
JEAN – J'ai d'ailleurs la photo dans ma poche... J'avais voulu vous la montrer à notre précédente rencontre mais...
Un temps.
BENJAMIN – Mais... ?
JEAN – Bref, disons que ce n'était pas le moment. Depuis l'acci... Depuis ce jour, je la garde toujours sur moi pour me rappeler la chance que j'ai d'avoir un enfant.
BENJAMIN – Parlez-vous de l'accident de Teddy ? Il a eu lieu il y a bien longtemps, pourtant... Vous n'aviez, à l'époque, pas cette photo.
JEAN – Regardez cette merveilleuse bouille... Elle me fait craquer, cette gamine...
BENJAMIN – Elle a vos yeux.
JEAN – Elle a mes yeux.
BENJAMIN – En effet, c'est ce que je disais.
JEAN – Elle aurait tant aimé vous rencontrer.
BENJAMIN – Mais cela peut très certainement se faire !
JEAN – La mise en terre était trop douloureuse pour moi. Je préfère vous dire au revoir ici.
BENJAMIN – De quelle mise-en-terre parlez-vous ?
JEAN – Sachez que quoi qu'il puisse vous arriver de votre côté, vous resterez à jamais dans mon cœur comme étant mon meilleur ami.
BENJAMIN – Je crains de ne pas vous suivre...
JEAN – Je vous fais aujourd'hui mes adieux.
BENJAMIN – Mais que signifie tout cela ?
Marion entre.
MARION – Jean ?
BENJAMIN – Ma Marion ? Ici ?
JEAN – Qu'y a-t-il, Marion ?
MARION – La mise-en-terre est finie. Venez. Tous ses amis sont chez moi.
JEAN – Et sa famille ?
MARION – Je crains que vous et moi étions sa seule vraie famille en ce bas monde.
BENJAMIN – Allons, de qui parlez-vous ?
JEAN – Je vous rejoins, Marion.
Marion sort.
BENJAMIN – Mais enfin, Jean, répondez-moi !
JEAN – Adieu, cher ami.
Jean se lève et sort.
BENJAMIN – Que voulez-vous dire ? Jean ? Cher ami ? Que se passe-t-il ? Pourquoi un tel vide ? Jean ? Que m'arrive-t-il ? Cher ami ! Aidez-moi... Teddy ? Où es-tu ? Cher ami ! Aidez-moi, s'il vous plaît... J'ai froid ! Je ne sens plus mon corps, je ne me sens plus ! N'ignorez pas l'appel d'un ami aux abois ! Cher ami ! J'ai besoin de vous ! Cher ami ! Serais-je donc... Non... Non... Non ! Cher ami... Cher ami !
Noir.
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Cher Ami
PoetryDeux grand amis dans un café. Voilà toute l'histoire ; une pièce relatant leurs diverses rencontres dans un simple café. Jean et Benjamin, amis quoi qu'il arrive vont voir petit à petit cette amitié prendre une étrange tournure... Voici la pièce "Ch...