III - Vent

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Benjamin est assis à une table, il boit du café. Jean entre, s'assoit aux côtés de Benjamin et observe le public.

JEAN – Tiens, il vente.

BENJAMIN – Quelle fougue peut bien frapper la nature.

JEAN – La nature n'est, à ce qui paraît, pas la seule victime de la fougue, cher ami.

BENJAMIN – Plaît-il ?

JEAN – C'est là notre premier rendez-vous depuis presque un mois. J'attends, assoiffé de nouvelles, de ragots et de rumeurs, la vérité sur votre état, cher ami. Votre cher passionnée de chevaux en bois aurait-elle donc finalement accepté votre invitation dans votre vie ? Je vois que vous vous êtes donc bien réchauffé ?

BENJAMIN – En quoi cette relation vous affecte-telle autant ?

JEAN – Je viens à en regretter de vous avoir appris à séduire. Je n'ai désormais plus aucune place dans votre vie, cher ami.

BENJAMIN – Et dire que vous jugiez l'orgueil féminin.

JEAN – Je ne vous permets pas.

BENJAMIN – Je reconnais avoir mis votre personne de côté durant ce précédent mois. Mais comprenez que cet état, comme vous dites, est tout nouveau pour moi. La capacité à gérer mon temps est ma plus importante priorité aujourd'hui. Je vous jure de vous revoir le plus vite possible, cher ami.

JEAN – Entendez-vous par là que vous partez ?

BENJAMIN – Grand Dieu, non ! J'admets ne pas avoir libéré assez de temps pour vous cet après-midi pour que nous fassions comme à notre habitude un long dialogue sur les banalités de la vie, mais j'ai néanmoins assez de temps pour avoir une courte discussion dans laquelle je vous donnerai toutes les réponses que vous attendez de moi.

JEAN – Quelle charmante attention.

BENJAMIN – Cessez donc cet air sarcastique, mon ami. Je vous tends la main.

JEAN – N'est-elle point armée ?

BENJAMIN – Voyons, mon ami !

JEAN – Soit, je vous pardonne.

BENJAMIN – Je vous en remercie.

JEAN – J'aimerais vous en dire autant.

BENJAMIN – Je jugeais votre présence dans ma vie importante et agréable mais si c’est là votre façon de me remercier...

JEAN – Oui... Désolé. Un réflexe de mauvais garçon, une sale habitude d'enfant capricieux...

BENJAMIN – Cela viendrait-il de moi ? Ou seriez-vous préoccupé par autre-chose que mon silence durant ce mois ?

JEAN – Effectivement, mon ami, effectivement... Je crois bien être dans un impasse.

BENJAMIN – Développez...

JEAN – C'est... C'est Brigitte.

BENJAMIN – Brigitte ?

JEAN – Une de mes conquêtes.

BENJAMIN – Quelle nouvelle peut vous mettre dans un tel état, mon ami ?

JEAN – Elle attend un enfant et prétend qu'il est de moi.

BENJAMIN – Ah oui.

JEAN – Je vous demande pardon ?

BENJAMIN – Non, je disais juste que c'est bel et bien une impasse.

JEAN – Et oui...

BENJAMIN – Si cela est, vous serez père ?

JEAN – C'est le principe même d'une naissance.

BENJAMIN – Alors réjouissez-vous. Vous allez être père, mon ami !

JEAN – Je n'ai pas à me réjouir... En tant qu'ami, je dois me soucier de vous. Comment va votre modèle standard féminin ?

BENJAMIN – Il s'appelle Marion.

JEAN – Quel aimable nom !

BENJAMIN – Et dès demain, elle emménage chez moi.

JEAN – Si tôt ?

BENJAMIN – Vous avez bien dû mettre en cloque une femme après je suppose à peu près un soir.

JEAN – La blague du père indigne.

BENJAMIN – La dignité n'a rien à voir avec nos deux histoires. Moi, j'aime. J'aime Marion. Marion m'aime. Nous nous aimons. On commence à parler mariage. Et dans votre cas, vous aimez. Vous aimerez votre enfant.

JEAN – Si cela est, vous serez le premier mis au courant.

BENJAMIN – Ne vous en faites pas... Je le suis déjà.

JEAN – Je vois que cette femme aura fait de vous un autre homme. Un vrai homme. Finies les soirées à cuver votre vin dans les différents bars de Paris ?

BENJAMIN – À vous de me répondre. J'ai trouvé un travail.

JEAN – Quel type ?

BENJAMIN – La publicité.

JEAN – Je vois.

BENJAMIN – Je suis désolé, je dois vraiment partir, maintenant... Je dois aider Marion à emballer toutes ses affaires.

JEAN – Quelle splendide initiative.

BENJAMIN – Au revoir, cher ami.

JEAN – Vous de même.

Benjamin se lève et sort.

Cher AmiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant