Chapitre 11 : L'Affront du Baron

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Étrangement, les invités des Millicent étaient dans une forme exemplaire pour la fin de soirée. Ils décidèrent même de faire un bal improvisé. Épuisés par leur nuit et leur journée mouvementée, le Duc et la Duchesse leur en donnèrent l'autorisation, avant d'aller se coucher. Leur titre leur permettait cette extravagance, de laisser les nobles s'amuser en leur absence, mais il n'en allait pas de même pour leurs enfants. Ni même de Léopoldine.

Debout à l'orée des danseurs, qui étaient allés au village chercher les musiciens pour le mariage –arrivés plusieurs jours en avance, une chance-, la jeune sorcière ne se sentait pas dans son assiette. La chose ne s'arrangea pas lorsque madame de Crisance décida de lui tenir compagnie.

-Mademoiselle de Briac ! s'exclama-t-elle avec un sourire aussi faux qu'éblouissant. Comment allez-vous ?

Léopoldine lui adressa un regard noir. Elle n'était pas d'humeur. Sur le parquet de danse, monsieur Florentin faisait virevolter une jeune femme en émoi.

-Ne jouons pas les faux-semblants, voulez-vous ? Vous ne m'aimez pas, je ne vous aime pas, alors allez voir ailleurs si j'y suis.

-Ouh... Quel manque de délicatesse, fit la veuve avec un froncement de nez. Je distingue bien là un franc-parler de basse extraction.

Les doigts de la sorcière se resserrèrent autour de son verre de punch. Paupières plissées, elle quitta des yeux les danseurs, pour faire face à l'importune. Elle aurait bien aimé voir sa tête, cette nuit, quand elle s'était retrouvée face à un fantôme. Malheureusement, elle ne se souvenait plus de rien, la potion d'oubli ayant brillamment fonctionné. À l'instar de la séance de spiritisme.

-Je ne suis peut-être pas une noble, madame de Crisance, mais je ne saurais tolérer une insulte de ce genre.

-Ha ? fit-elle, narquoise. Dans ce cas, voudriez-vous entendre le point de vue du Baron Catom ?

Hein ?

-Monsieur le Baron ! cria la veuve. Pourriez-vous nous rejoindre ?

Un homme, en pleine conversation avec ses pairs, se tourna vers elles. Léopoldine faillit briser son verre. Elle le reconnaissait. Et à voir la lueur concupiscente dans son regard, il savait exactement qui elle était.

-Madame de Crisance. C'est toujours un plaisir de me joindre à vous.

-Oh, vil flatteur ! minauda la veuve en lui donnant un petit coup d'éventail sur l'avant-bras. Dites-moi, connaissez-vous mon amie ?

Un piège fut la première chose à laquelle songea Léopoldine. Le sourire finaud l'ancienne maitresse du Marquis, l'air amusé du Baron Catom... En plein milieu de la foule, en plein milieu de ce bal improvisé... non.

Oh Dieu. Si vous existez, ayez pitié de moi.

-Oui, je la connais. Vous êtes une prostituée de Paris, n'est-ce pas ?

Livide, elle fixa le Baron. Comme de bien entendu, certains mots provoquent toujours un silence autour de celui qui les prononce. Toutes les conversations s'arrêtèrent autour d'eux, attirant l'attention de personnes encore plus éloignées dans la salle de bal. Tout le monde avait entendu. Tout le monde attendait sa réponse.

Elle était incapable de répondre. Elle n'avait jamais connu une telle humiliation publique.

-Je...

-Baron Catom, gronda-t-on. C'est là la dernière insulte que vous ne ferez jamais aux Millicent.

Horrifiée, elle découvrit monsieur Florentin, près d'elle. Elle ne sut depuis combien de temps il se trouvait là, mais sa fureur était évidente. Il la dépassa sans un regard, les poings serrés, ses iris marron brillant d'un éclat meurtrier. Non loin, Aliénor tentait de se frayer un passage jusqu'à eux.

3. La Cuisse DoréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant