episode 1 / chapitre 1 : traqué

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- Dépêche-toi !

Sans regarder en arrière, son compagnon presse le pas. Il sait que leurs poursuivants ne tarderont pas à les rattraper. Ils n'ont que quelques minutes d'avance sur eux, et le moindre faux pas fait diminuer le peu de distance qu'ils ont réussi à mettre entre eux et la garde royale.

Alaya souffle. Elle a la gorge en feu, brûlée par le froid glacial qui sévit dans la région des Bas-Länder depuis leur arrivée. Ses poumons lui semblent sur le point d'exploser.

- Cache-nous, fais quelque chose... le supplie-t-elle.

Elle halète et ne parvient pas à retrouver son souffle.

Alors brusquement, Dieter arrête sa course et se retourne. Tout autour d'eux, la plaine s'étend à perte de vue. Pas un bosquet pour les cacher, ni le moindre sous-bois. L'herbe est recouverte d'une couche de givre qui ne parvient pas à fondre. Depuis ce matin, le soleil ne parvient pas à percer le plafond de nuages bas qui par moments leur cache même la lumière du jour. Ses yeux cherchent à repérer leurs poursuivants, derrière eux. Il vient finalement à sa rencontre, non sans marquer un autre temps d'arrêt. Il hésite depuis quelques heures à se servir de son pouvoir, car se dissimuler aux regards ne résoudra pas leur problème. Ils doivent à tout prix s'éloigner le plus possible de leurs poursuivants. Ensuite ils pourront se terrer en attendant qu'ils renoncent à les chercher, car ils craignent autant le froid qu'eux, sinon plus. Le mauvais temps, c'est leur seule chance.

Dieter jette un œil au visage rougi par le froid et à la longue tresse humide de sa compagne. Ses lèvres minces, bleuies par le froid, sont étirées en un rictus de souffrance. Lui-même sent le froid gagner son cuir chevelu, malgré ses épais cheveux gris. Cela fait des heures qu'ils sont poursuivis et la course les a tous les deux épuisés. Il se résout alors à utiliser son pouvoir. Entourant de ses bras le corps frêle de la jeune femme, il rabat sur sa tête son capuchon de feutre noir, cerné d'un ruban blanc. En moins d'une seconde, leur silhouette enlacée se fond dans le paysage. Il ne reste comme traces de leur passage que leurs empreintes dans l'herbe verglacée qu'ils viennent de fouler. Et les aboiements furieux des chiens de la garde royale qui arrivent sur les lieux déserts, quelques minutes après.
Le ton est calme. Il ne semble pas en colère. Cependant, les deux officiers de la garde royale qui sont devant lui, un genou à terre, en frémissent d'avance. La tête inclinée, en signe de déférence devant leur roi, les deux hommes attendent après une remontrance qui ne vient pas. Hésitants, ils se regardent, sans lever la tête. Leur roi ne parle plus. Mais il ne les a pas autorisés non plus à se relever. Les genoux douloureux, les deux officiers chancellent. Tout en se préparant à accueillir les foudres de leur souverain, ils se risquent alors tous les deux à lui jeter un coup d'œil. Ce qu'ils voient les fait chanceler davantage et ils s'empressent d'incliner la tête à nouveau. Le roi Ravlic a les yeux noirs de colère et ils sont fixés sur eux. Il semble bouillir de rage.

- Qu'est-ce que vous regardez ?

Le ton de sa voix à ce moment précis n'annonce rien de bon. Le rugissement se répercute sous la voûte de la grande salle du trône. Les deux serviteurs qui l'ont accompagné et qui l'encadrent, quelques marches plus haut, frémissent à leur tour. La salle dans laquelle ils se trouvent est la plus majestueuse. Son plafond sculpté est le plus haut du palais. C'est aussi la salle préférée du roi. Quand il s'y exprime, chacune de ses paroles y est amplifiée. Or en cet instant, ils ont l'impression d'entendre un sombre grondement, comme annonciateur de l'orage, dans le silence qui s'est ensuite installé.

- Comment osez-vous me regarder en face après l'échec de votre mission ?

Le roi est furieux. Il s'est levé et a descendu les quelques marches qui le séparent de ses hommes.

Il se force à respirer et renonce à accabler les deux hommes qui ont toujours un genou à terre devant lui. Depuis une lune, les officiers de la garde royale parcourent le pays à la recherche d'informations et d'indices sur les deux sorciers qui sont arrivés dans les Bas-Länder. Sans beaucoup de résultat, ils interrogent, bousculent et torturent. Sur les ordres du roi, ils occupent toutes les places où pourraient se trouver les sorciers. Mais ils semblent inaccessibles, rusant pour ne pas se laisser capturer par le pouvoir royal. Car le sort qui les attend est connu de tous. Il a été décrété par le roi et avalisé par son Conseil. Ils risquent l'exécution, pour cause d'hérésie.

- Levez-vous, leur ordonne-t-il d'une voix ferme.

Il est à nouveau maître de ses émotions et c'est en souverain qu'il s'adresse à ses hommes.

- Que s'est-t-il passé ? Je veux tout savoir.

Lorsque les deux officiers de la garde royale ont terminé leur récit, le roi se lève et part seul. Il laisse ses serviteurs dans la salle du trône. C'est une habitude pour eux de voir disparaître leur souverain, sans un mot. Ils savent qu'il ne faut pas le suivre, et ils s'en gardent bien.

Les Sorcier Des PlainesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant