chapitre 6

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Au palais royal, le roi Ravlic arpente les allées de la chapelle, les mains croisées derrière le dos. La chapelle du palais royal est presque déserte. La lumière matinale pénètre à flots par les vitraux des ouvertures latérales. Le Saint homme finit de préparer le calice de la cérémonie d’adoubement des gardiens royaux. Malgré l’absence totale de foi qu’il prête aux Saintetés, il n’a pas d’autre choix que de prendre son mal en patience et d’attendre que le Saint homme, reconnaissable à sa grande cape de soie rouge et or, ait terminé son rituel.

Deux gardiens l’attendent sur le seuil. Leur épée est accrochée au mur derrière eux, comme le veut la loi Sainte. Aucun homme armé ne peut pénétrer dans les chapelles. Le temps que dure l’attente, ils prennent soin de ne pas regarder leur roi et restent aux aguets pour veiller sur sa sécurité. Au cours du dernier incident, lors d’une sortie dans la cour pour accueillir le souverain du royaume voisin, le roi avait été approché par des sujets qui s’étaient soulevés contre les méthodes de la garde royale. Ses hommes pouvaient surgir dans chaque maison, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et interroger ou arrêter tout homme ou femme suspecté d’hérésie. La magie avait été bannie du royaume. Toute personne qui se rendait coupable de complicité avec un sorcier était aussi arrêtée. Au terme de plusieurs saisons de traque, de très nombreux sorciers avaient été identifiés et amenés au palais. Seuls deux sorciers demeuraient toujours poursuivis, sans relâche, depuis qu’ils avaient retrouvé leur trace deux saisons auparavant.

Lorsque la cape rouge et or apparaît devant lui, le roi se redresse devant le Saint homme. Monseigneur Alban est légèrement plus grand que lui, avec des cheveux blonds rares et clairsemés. Son visage affiche une sérénité tranquille qu’il est pourtant loin de ressentir. Le calice prêt pour la cérémonie dans sa main droite, il est disposé à l’entendre. Et il sait déjà ce qu’il va lui demander.

– Votre Sainteté est-elle disposée à l’adoubement de mes serviteurs ?

La question obéit à un rituel. Monseigneur Alban n’est pas obligé d’y répondre. En revanche, la question qui suit est plus inhabituelle, et ses traits se figent. Il craint d’avoir mal compris.

– Une cinquantaine d’hommes attend l’adoubement, Votre Sainteté. La cérémonie aura-t-elle lieu pour tous ces hommes avant demain ?

Le Saint homme fixe le roi sans un mot, et un tressaillement presque imperceptible de sa mâchoire trahit sa désapprobation. Il sait comme tout autre habitant du royaume quelles sont les missions confiées à la garde royale. La traque impitoyable des sorciers des Plaines ne recueille pas l’assentiment de tous les sujets. Les sorciers ont toujours été inoffensifs pour les habitants. En tant qu’homme de médecine déféré aux Saintetés, il a toujours gardé à l’esprit en toute circonstance la valeur de la vie humaine. Mais en cet instant, comme tout être sensé qui doit fidélité à son roi, il lui répond avec toute la déférence dont il est capable, malgré l’état de trouble intérieur qui commence à l’agiter.

– La cérémonie aura lieu ce soir, au coucher du soleil, Sire.

Puis il s’incline et recule d’un pas avant de se retourner et de quitter la nef.

Les Sorcier Des PlainesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant