Prologue

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Qu'est-ce que je peux me faire chier

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Qu'est-ce que je peux me faire chier. Je n'aurais jamais du accepté ce rencard arrangé avec l'ami d'un ami de Lola. Je savais que c'était une mauvaise idée. En sommes il pourrait me plaire. Physiquement il est plutôt mignon, il a choisi un restaurant original, le seul restaurant cubain de Paris, le Cuba Compagnie Café. L'ambiance est sympa, la bouffe et les cocktails supers bons. Mais rien à faire, je m'ennuie. Il parle, beaucoup. De lui essentiellement, ce qu'il fait dans la vie, ce qu'il aime, ses ex... Je ne suis même pas certaine qu'il connaisse mon prénom ou même mon métier.

Je regarde discrètement ma montre, il est déjà onze heures passée. Le groupe qui a joué ce soir est en train de remballer. Les couples continuent de danser sur la petite piste aménagée. Si j'avais mon appareil photo, j'aurais immortalisé leur complicité, la sensualité que dégage leur danse. Seulement je ne l'ai pas, je suis coincé avec Bidule qui me parle de la bourse et de comment il s'est payé son magnifique Range Rover ! Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre moi !

-Et sinon tu fais quoi dans la vie ?

Ah bah voilà enfin une question pertinente ! Au bout de deux heures, il était temps.

-Je suis photographe. Je couvre notamment pas mal de mariage mais...

-Tu dois bien gagner ta vie ! C'est cool, me coupe-t-il.

Ouais t'as raison ça vaut pas la peine que je m'étende, on ne va pas se revoir. Jamais !

Je soupire discrètement. Je crois que c'est la pire soirée depuis des lustres.

-Je vais au toilette, je reviens, lance-t-il.

Je souris poliment. Mon regard parcourt la pièce et bizarrement mes yeux s'attardent sur la sortie. Ce serait si impoli que ça si je me barrais maintenant ?

La porte est restée ouverte, les musiciens sont en train de ranger leur matériel. Et puis merde! Quitte à foirer le rendez-vous, j'me casse. Je me lève attrape ma veste et mon sac. Plus vite je quitte cet endroit, plus vite je regagne mon appartement.

C'est le troisième rencard du genre en trois mois. Je ne sais pas pourquoi mais mes amis se sont mis en tête de me faire rencontrer quelqu'un. C'est la première fois que je pars comme une voleuse, mais tant pis. Je largue un billet de 20 euros sur la table, histoire de ne pas faire ma radine, et me dirige vers la sortie.

Dans la précipitation je heurte un des musiciens qui rentre.

-Désolé Mademoiselle, s'excuse-t-il avec un accent latin prononcé mais un français tout à fait juste.

Jeune et fort, son métissage me laisse deviner qu'il est sans doute d'origine cubaine. Ses cheveux bruns tombent sur son front et ses mains fermes me tiennent par les épaules.

-C'est moi, je ne regardais pas où j'allais... Je bredouille.

-Vous n'êtes pas blessée ?

-Non, je suis juste pressée... Bonne soirée ! Me sauvé-je, réalisant soudain qu'il faut que je continue ma course.

Une fois dehors, je fais quelques pas rapides vers la bouche de métro la plus proche. J'inspire profondément, cherchant à repousser le malaise qui pointe son nez en moi. Les voitures files le long de l'avenue, plus que passante malgré l'heure tardive. Je traverse la rue et jette une œil au camion garer devant le restaurant et distingue l'homme que j'ai bousculé m'observer au loin. Il doit certainement me prendre pour la femme la plus impolie de Paris, mais peu importe. Il fallait que je m'en aille.

En fait il faut que je me barre d'ici. Et quand je dis ici, je ne parle pas seulement de cette rue, mais de Paris, la France, ma routine. J'en ai ma claque des mariages. Je gagne bien ma vie certes, mais j'aspire à autre chose que photographier sans cesse des couples qui s'aiment. J'ai besoin d'air, j'étouffe.

Je m'engouffre dans les couloirs du métro presque en courant. Je n'ai qu'une envie, retrouver le confort de mon appartement et ne plus penser à cette soirée désastreuse de plus... Je prends place dans le premier wagon qui se présente à moi et regarde défiler les stations en rêvant d'autres contrées. 

A l'Heure CubaineWhere stories live. Discover now