C'est toujours la même rengaine. J'ai l'impression de vivre la même journée, encore et encore. Les mêmes gestes, aux mêmes instants. Je rêve d'un signe, une chose insignifiante, pour briser cette routine que la vie nous impose.
Le regard vague et la tête en vrac, je repense à mon rencard raté de la veille. Mon portable n'a pas arrêté de sonner hier soir. Il a vibré tellement de fois que j'ai fini par l'éteindre, lassée de l'entendre. J'ai presque peur de ce que je vais y trouver. Que Bidule m'ai appelé passe, mais je sais que Lola va me tomber dessus et que ça risque de chauffer pour moi.
Elle s'est mis en tête de me caser avec quelqu'un. D'après elle, il faut que « je me remette en selle ». Sauf que je n'ai aucune envie de grimper sur le premier cheval venu moi.
Je passe mon temps à voir des couples qui s'aiment et à les immortaliser sur papier glacé. Je devrais être heureuse, mais j'ai plus l'impression de recevoir leur bonheur en pleine tête. Il faut avouer que grâce à eux, je gagne plutôt bien ma vie.
J'ai commencé la photographie à dix-huit ans en rêvant de découvrir le monde, mon appareil autour du cou. Une passion que j'ai développée et affinée seule pour en faire mon métier. Sauf qu'aujourd'hui, j'ai vingt-cinq ans et que je n'ai pas bougé. Au début, c'était mon projet. Et puis, le succès m'a pris de court. Alors dans un premier temps ça m'a plu de photographier des couples heureux et débordant d'amour. Mais depuis deux ans, c'est différent.
Je secoue la tête pour m'ôter les images qui me reviennent. Je n'ai pas envie de penser à ces instants. Je me suis promis d'avancer et c'est ce que je fais. J'ai simplement besoin d'un bon coup de pied aux fesses pour me lancer.
J'allume mon téléphone et file sous la douche. Je dois être dans le quartier de Montmartre dans deux heures pour rencontrer un couple d'américain qui viennent de se marier. Elle est pâtissière et gère un bed and breakfast et lui est chef dans un restaurant. Ils sont en voyage de noce et m'ont contacté par internet pour que je fasse quelques photos d'eux dans la capitale.
Mes doigts passent sur les marques de ma peau. On dit souvent que notre peau est notre mémoire, pour moi ça n'a jamais été aussi vrai. Mais j'ai appris à vivre avec.
J'attache mes longs cheveux blonds en une queue de cheval. J'enfile un jean et un tee-shirt en coton de façon à être à l'aise pour la longue journée qui s'annonce. Je prépare mon matériel et le glisse dans ma sacoche.
-Deux zooms, l'objectif, le boitier, le stabilisateur, je pense que j'ai tout, listé-je à haute voix.
Je chausse mes baskets, revête ma veste et attrape mon équipement quand mon téléphone se met à vibrer. Je regarde l'écran et me résous à décrocher tout en sortant de mon appartement.
-Oui Lola !
-Hey Julia, alors ce rencard.
Là c'est clair, elle feint de ne pas savoir que je l'ai planté, je la connais par cœur.
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A l'Heure Cubaine
Romance« N'avez-vous jamais ressentie cette sensation d'étouffer ? Comme une envie de changer d'air. Tout plaquer pour changer de pays, de fuseau horaires, d'appartement, de rythme de vie... Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu'il se passe de l'autre...