Je ne saurais dire pourquoi, mais cette fille me décontenance. Il y a quelque chose chez elle qui m'intrigue plus que ça ne devrait.
Quand Paolo a suggéré que je lui fasse découvrir la ville, j'ai vu cette idée comme un boulet que j'allais m'accrocher au pied. Mais, plus je la vois fasciné par tout ce qui l'entoure, plus je me dis ça ne va pas me tuer. Il y a pire compagnie qu'une belle blonde qui porte des shorts trop moulants et des débardeurs laissant peu de place à l'imagination concernant ses courbes. J'ai eu envie d'arracher la langue à au moins trois types pour l'avoir sifflé. Mais elle n'a guère l'air d'y prêter attention. Il n'y a qu'une chose qui l'intéresse : immortalisé ce qu'elle voit.
Pour moi toutes les façades délabrées se ressemblent. Je me demande ce qu'elle trouve de si spéciale à ces murs crades et ces câbles qui pendouilles un peu partout.
— Jolie demoiselle, vous vous prendre une photo avec le perroquet ! lui demande un type devant la banque.
Merde.
Elle n'a pas le temps de dire oui ou non, qu'elle se retrouve avec le piaf sur l'épaule. Evidemment qu'il lui a proposé. Si elle avait été à mon bras, le mec n'aurait même pas osé lui adressé la parole. Sauf que je suis a quelques mètres derrières elle et qu'elle vient de tomber dans l'un des pires pièges à touriste de cette ville. La Havane est un concentré de culture mais aussi d'attrape nigaud.
Le type attrape son appareil et la prend en photo avec le perroquet vert flamboyant. Je guette un instant qu'il ne se barre pas en courant avec. Je n'y connais pas grand-chose mais vu le poids du matos, je suis presque certain que ça doit bien valoir un beau billet.
Un sourire édenté et le tour est joué.
— Dix CUC en échange de l'appareil, lui indique-t-il en espagnol.
— Quoi ? s'étonne-t-elle.
Elle ne parle presque pas espagnol. Je l'ai remarqué lorsque mon oncle a échangé avec moi et qu'elle a froncé les sourcils ce matin.
— Dix CUC sinon je le garde, ajoute-t-il en récupérant son oiseau de malheur.
— Il te demande de l'argent, traduis-je.
— Quoi ? Mais je ne savais pas.
— Cent pesos, je dis aux gars.
Le CUC est la monnaie des touristes, le peso celle des locaux. Si on est malin ici, on paie en peso, les prix en CUC étant toujours gonflés.
— Je ne peux pas te laisser payer à ma place, rétorque-t-elle.
Mignone, mais un brin casse-couille la demoiselle.
Le vieux réfléchit un instant et hoche la tête. Je sors un billet, lui colle dans la main, puis m'éloigne.
— Merci l'ami, crit-il.
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A l'Heure Cubaine
Romance« N'avez-vous jamais ressentie cette sensation d'étouffer ? Comme une envie de changer d'air. Tout plaquer pour changer de pays, de fuseau horaires, d'appartement, de rythme de vie... Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu'il se passe de l'autre...