Le Syndrome Cronos

Chapitre 12.

Depuis plusieurs heures déjà, rien n'était venu perturber le son strident de l'électrocardiogramme qui, implacable, menait sa danse monotone dans un silence de plomb. Jeanne, Louis et Fabien, chacun prostré dans un coin de la pièce, s'étaient engouffré dans un mutisme cémétérial, oubliant même la présence des autres.

" Dis-moi Jeanne, j'espère qu'on ne t'ennuie pas trop ?" invectiva Louis. Jeanne tressaillit.

" - Pourquoi tu me demandes ça?

- Tu as passé toute l'après-midi sur ta tablette.

- C'est vrai, je l'admets. Je suis désolée.

- Tu peux l'être.

- Pour ma défense, vous n'êtes pas très bavards non plus...

- Elle n'a pas tort " enchérit Fabien.

" - J'entends bien. Mais ce n'est pas vraiment l'endroit pour tenir une conférence de presse non plus...

- Louis, n'exagère pas.

- Laisse Fabien, j'ai l'habitude maintenant. Et puis il n'a pas tout à fait tort. Je reconnais être devenue totalement accro à ces choses-là.

- Ah oui ? Pourquoi ? " Demanda Louis, faisant semblant de s'intéresser.

" - Je ne sais pas vraiment. J'imagine que je comble ma solitude comme je le peux. Le fait est que ça me donne l'illusion d'un lien vers l'extérieur.

- Si tu as conscience que c'est illusoire, pourquoi y perdre autant de temps ? " Insista Louis avec condescendance.

- Parce qu'il y a des compagnies virtuelles bien plus agréables que celles que l'on s'impose dans le monde réel. " répondit-elle, avec un sourire narquois.

" Vous n'allez pas recommencer, tous les deux... " interrompit Fabien, visiblement agacé et fatigué de ce jeu qu'ils avaient instauré.

"- Je ne vais quand même pas m'excuser systématiquement de tout ce que je fais.

- Fais le plutôt des choses que tu ne fais pas... " Trancha Louis.

" - Quoiqu'il en soit, je vais devoir vous laisser. Je vais retrouver quelqu'un avec qui je peux avoir une discussion sans me sentir minable.

- Oh ? Serait-ce un petit ami par hasard ?

- Je ne crois pas que nous soyons assez proches pour te confier ce genre de choses... Mais en réalité, oui. Je vais retrouver un homme" répondit-elle avec une certaine fierté.

" - Il va falloir que tu nous le présentes ce garçon, que je le félicite !

- Sans façon. Bref. Est-ce que vous avez encore besoin de moi ? "

Louis s'apprêta à lui répondre, mais il préféra ne rien dire en voyant Fabien lui jeter un regard répréhensif.

" Va. Je t'appelle s'il y a du changement. "

Jeanne embrassa Fabien, et fît un signe de tête poli à Louis, qui lui rendit hypocritement. Une fois Jeanne enfin partie, Fabien fronça les sourcils comme un maître d'école s'apprêtant à gronder un élève dissipé.

" Tu ne peux vraiment pas t'en empêcher ? " s'amusa Fabien.

" J'avoue que c'est plus fort que moi. " répondit son grand frère en riant.

" - Il va vraiment falloir que vous appreniez à vous parler. Ça risque de devenir rapidement insupportable. En plus de ne plus être drôle.

- Je ne suis certes pas très tendre avec elle, mais je ne vois pas comment me rapprocher d'elle. Je ne la connais pas.