Voyage vers l'inconnu

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Le tumulte du départ s'apaise enfin. Gageons que nul ici ne le regrettera. Ici et là, quelques secousses sporadiques tentent encore vainement de nous tourmenter, mais l'émerveillement a bel et bien dissipé nos craintes.

Air et mer regorgent d'êtres curieux. Tantôt joueurs, tantôt craintifs mais tous fascinants. Poulpeux, noueux, filiformes, il y en a pour tous les goûts, même les plus étranges. À ma droite, d'étranges mollusques orangés se régalent de bulbes floraux aux subtils reflets zinzolin. Aussitôt repus, ils remontent à la surface pour y exploser au contact de l'air en une gerbe de fines particules violacées. Cela m'évoque une pluie d'insectes se dispersant dans le chaos — ce serait d'ailleurs là leur mode de reproduction m'a-t-on dit un jour.

Un étrange calme nous enveloppe depuis quelques instants, tout juste troublé par une famille de tinflouins qui s'agitent non loin de l'embarcation. J'en dénombre sept, dont deux biens en chair. Cette forte corpulence est le signe des opulentes villes équatoriales ; rien à voir avec ceux qui arrivent du sud.

Je reprends la plume encore fébrile, mais je me dois d'immortaliser les récents événements avant que ma cruelle mémoire ne m'en fasse perdre les détails.

Le parfum de l'air s'était dilué, et les tinflouins s'agitaient plus que de raison. Là, le néant libéra une créature colossale, qui vint les engloutir tous avant de s'élever au-delà les nuages. Quelle voracité ! Jamais je n'aurais cru en voir un de si près. Ce grozen ne m'apparut que quelques trop brèves secondes, mais je pus en estimer la taille à environ cinquante mètres, soit une envergure plutôt moyenne pour cette espèce. Je fus bien plus stupéfait par cette masse d'yeux grouillante, il y en avait là bien plus que tout ce que peuvent en dire les manuels scolaires !

J'ai hâte d'être au terme de ce voyage, même si l'un de mes compagnons m'a mis en garde contre la précision toute relative de l'atterrissage.

Attendons.

Notre destination est proche désormais. J'aperçois la douce et belle cité réputée inaccessible. Je peux la voir, presque la toucher. Je sens déjà l'excitation des passants dans ses ruelles. J'y suis presque. L'impatience m'étreint davantage chaque minute.

Il me faut maintenant reposer mes notes. La fréquence des ricochets augmente, et le rivage s'approche à vive allure... Dois-je m'en inquiéter ?

Voyages d'un touristeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant