Je me suis présenté aux forces de l'ordre dès les premières lueurs du jour.
Après quelques errements, je m'étais rendu au seul endroit susceptible de représenter la justice. C'était un bâtiment à la blancheur immaculée d'où émanait un bruit similaire aux moteurs à vapeur des moissonneuses de notre disque.
Bien que plus présent dans ce quartier, le bruit m'avait déjà surpris hier soir et ce matin. La vapeur était-elle leur source d'énergie ?
La porte d'entrée du bâtiment était en bois massif d'une essence proche du chêne de Corujka. Elle était encadrée de somptueuses colonnes salomoniques nettement plus imposantes que celles qui agrémentaient ma chambre.
Une fois entré, je vis quelques personnes en pleine discussion. Parler de querelle serait sans doute plus approprié tant leur conversation était houleuse ! Chacun haussait le ton pour tenter de rallier les autres à sa cause, et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre de quoi ils parlaient.
Au vu de la tension ambiante, le meurtre de la nuit dernière avait mis la ville entière en émoi, et je m'aperçus vite que les autorités étaient peu habituées à ces situations extrêmes. Personne n'était d'accord sur la manière de mener l'enquête ; il semblerait que les vols à l'étalage et les bagarres soient les délits les plus graves auxquels ils étaient d'ordinaire confrontés.
Serais-je tombé sur une société pacifiste ?
J'observai en silence les cinq individus. Parmi eux, un homme se détachait du groupe par son flegme évident. Il s'exprimait peu, mais un silence respectueux accompagnait chacune de ses interventions. Honfred (puisque c'est ainsi que les autres l'avaient nommé) proposa de faire du porte-à-porte pour recueillir les témoignages des habitants du quartier touché par le drame. Peut-être y trouveraient-ils un témoin oculaire ou tout autre indice leur permettant d'avancer.
« Monsieur, puis-je vous renseigner ? »
Cette voix fluette me fit presque sursauter tant j'étais concentré sur les directives que donnait Honfred aux quatre hommes. Je balayai aussitôt la pièce du regard en quête de mon interlocuteur surprise.
Elle était là, près de l'entrée, assise à son bureau. L'air interrogateur, elle me dévisageait.
C'était une dame de petite taille au visage vieilli et partiellement dissimulé par un grand ouvrage encyclopédique. La couverture lumineuse du livre clignotait en cadence et diffusait de multiples teintes colorées qui se reflétaient en rythme sur son visage.
Bleu. Rouge. Vert. Jaune. Envoûtant...
Je lui trouvais un air de famille manifeste avec Honfred et sa bande.
« Je souhaiterais rencontrer le responsable de l'enquête sur le meurtre de cette nuit. »
Son visage s'assombrit. Elle me scruta davantage.
Cet œil inquisiteur me troubla tant j'eus le sentiment d'être coupable d'un crime que j'ignorais avoir commis. Me jugeait-elle ou cherchait-elle la réponse à une question qu'elle ne m'avait pas encore posée ?
« Qui dois-je annoncer ? »
Je retrouvai mon assurance.
« Dites-lui simplement que je viens d'un autre disque où je suis moi-même enquêteur, risquai-je, et que s'il a besoin d'aide, je suis à sa disposition.
— D'un autre anneau, dites-vous ? Le dernier voyage a bien eu lieu hier, non ? Êtes-vous arrivé dans notre ville à cette date, Monsieur ? »
(Elle devrait également être enquêtrice...)
À ma grande surprise, je n'eus aucun mal à me faire passer pour un enquêteur. En étaient-ils vraiment convaincus ou étaient-ils juste soulagés d'avoir une aide providentielle dans cette affaire ? Je ne saurais dire.
Mentir n'a jamais été dans mes habitudes. Certes. Pour autant, dois-je avouer que l'excitation de me mêler à cette affaire l'emportait largement sur le reste.
Ma découverte du monde peut enfin commencer !
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Voyages d'un touriste
FantasíaChère famille, Je prends la plume aujourd'hui pour vous annoncer mon départ. Je ne sais pas encore quand je reviendrai ni même si je reviendrai. Soyez certains que je vous écrirai, en priant pour que mes lettres vous arrivent un jour. Je garderai tr...