Quelques instants plus tard, me voilà dans la rue. Il y a peu de passants. Et si l'un d'entre eux m'arrêtait, me demandait où je vais ?
Je me force à relever la tête. Je ne suis coupable de rien. S'évader d'une vie qui ne me convient pas, n'est pas une faute. A cette pensée, je me sens déjà mieux.
Je presse le pas. Personne ne me retient. Je ne jette aucun regard en arrière.
A quoi cela servirait-il ? D'ici peu de temps, la Cité ne sera plus qu'un souvenir.
Je m'en éloigne, d'un pas déterminé. Sous mes pieds défilent le pavage des rues, puis les chemins de terre qui mènent aux champs.Enfin, je quitte le chemin et pénètre dans les Bois.
Entre-temps,la nuit est tombée. Je suis assez loin de la Cité à présent.
Je peux m'installer ici pour la nuit. Il faut que je sois en forme pour quitter la Cité demain...
Je déplie mon sac de couchage et m'allonge dessus. Je sors une pomme de mon sac, et croque dedans. C'est étrange, il me semble qu'à présent, alors que je la déguste sous le couvert des arbres, et non dans mon douillet chez-moi, elle a un goût différent.
Le goût de la liberté, je comprends.
J'aperçois quelques étoiles, entre les feuilles. Je leur souris : qui sait ? Une fois de l'autre côté des Murs, peut-être les étoiles seront-elles différentes aussi ?
Il y a une chose dont je suis sûre. Toute ma vie, les Murs ont constitué mon seul horizon. Le seul que je pouvais voir, de toute façon. Mais si je les franchis...
Tout sera différent, bien sûr.
Je m'endors en souriant.
Au matin, je me réveille dès que la clarté du soleil commence à envahir doucement l'enceinte des Murs.
En quelques minutes, je suis debout et prête à repartir. Comme je n'ai pas de temps à perdre, je mange en marchant. J'en profite aussi pour réfléchir : les Murs sont si hauts, que je réalise brusquement que je n'ai jamais vu ni lever, ni coucher de soleil tels qu'en parlent les romans du Temps d'Avant. Pour les habitants de la Cité, le soleil n'émerge pas de l'horizon, en tout cas, pas de l'horizon naturel. Il apparaît au dessus des Murs.
Cette constatation fait naître en moi un profond malaise : notre seul horizon, à nous les habitants de la Cité, ce sont les Murs.
Mais personne à part moi ne semble s'en rendre compte.
Il est vraiment temps que je quitte cet endroit.
Le silence des Bois est presque surnaturel. Il n'y a aucun bruit, à part celui du vent qui agite les feuilles.
Je presse le pas.
Autour de moi, les fourrés s'épaississent. Je souris. Ce brusque changement de végétation ne signifie qu'une chose : me voilà arrivée aux pieds des Murs.
J'avance et j'écarte quelques branches. Les voilà. Les Murs.
Ils sont si hauts que je dois me dévisser le cou pour en voir le sommet. Après tout le temps qu'ils sont debout, ils sont toujours blancs et lisses,bien que personne ne les entretienne jamais.
Encore une nouvelle énigme. Et il n'y a pas que moi qu'elle frappe. Sans entretien, n'importe quel mur tombe en ruines. Mais pas les Murs,bien sûr.
Enfin,à présent, ce n'est plus important.
J'ai trouvé une faille dans la muraille de ma prison. À présent, à moi de voir jusqu'où elle me conduit.
Dans la Cité, il y a un rituel que l'on accomplit tous les deux mois.
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Horizon
Short StoryKat, une jeune fille de 17 ans, vit au cœur de la Cité, une ville où n'existe ni la maladie ni la pauvreté. Mais elle ne connaît rien du monde extérieur, dont la Cité est isolée depuis toujours par des murs gigantesques... Pourtant, celui-ci l'atti...