Horizon

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Il ne nous faut vraiment pas longtemps pour y parvenir, à peine cinq minutes, mais je suis si excitée qu'elles me paraissent des heures.Des gens, hommes, femmes et enfants s'affairent devant leurs petites maisons. Lorsqu' Ethan et moi pénétrons dans la rue principale, ils redressent la tête pour nous dévisager avec curiosité.

Je ne sais pas trop quoi faire sous ces regards, alors je me contente de sourire.

Nous avançons en jetant des regards curieux sur toute la nouveauté qui nous entoure.

Finalement, Ethan murmure :

- Il faudrait savoir où nous allons...

Je détache mon regard de la citerne d'eau de pluie fixée au toit d'une cabane à grand renfort de câbles rouillés. J'aperçois devant nous un groupe de personnes agenouillées autour de quelque chose que je distingue mal... Je les indique d'un mouvement de menton :

- On pourrait leur demander...Leur soutirer des informations, mine de rien...

Ethan acquiesce, mais je lis dans son regard vert : « Tu me laisses parler, compris? »

Cinq sur cinq Ethan. Le message est bien passé.

Nous nous approchons des gens, une douzaine, agglutinés au milieu de la rue dans un silence profond;

-Excusez-moi...commence Ethan.

Quelqu'un se retourne vers lui, une femme.

Ses yeux sont rougis par les larmes, et ses traits creusés par le désespoir, sont remplis d'ombres. Ethan a un mouvement de recul. Et moi, j'aperçois ce sur quoi cette femme pleure. C'est un petit cercueil. Une caisse sommaire en bois au couvercle de verre.

La créature la plus adorable que j'ai jamais vue y repose.

- Elles'appelait Evelyn, chuchote la femme éplorée, sans doute la mère. Elle est tombée malade...

Même dans la mort, la fillette est magnifique. Elle ne doit pas avoir plus de huit ans, mais ses cheveux sont étonnamment longs et propres,tressés de fleurs sauvages.

Elle semble dormir. Mais elle ne dort pas. Je ne ressens plus rien, j'ail'impression qu'un vide que rien ne pourra combler m'a envahie.

Dans la Cité, aucun enfant n'est jamais mort, jamais.

La honte me submerge à nouveau.

C'est presque ma faute si la petite Evelyn est morte...

- Ce n'est pas ta faute, murmure Ethan à mon oreille, comme s'il avait lu dans mes pensées. C'est la faute aux gens du passé. Tu n'y es pour rien, crois moi.

Il reprend d'une voix plus forte, pour s'adresser aux gens en deuil que nous avons abordés :

- Nous sommes désolés de vous avoir dérangés.

- Ce n'est rien, murmure la mère d'Evelyn.

- Je suis navrée pour votre fille, je dis, sans réfléchir.

A ces mots, il se passe quelque chose de vraiment incroyable. La mère de la petite fille se relève, me prend dans ses bras et se met à pleurer, en chuchotant :

-C'était un ange...un ange, vous savez ?

- Oui, je réponds.

- Elle a toujours voulu voir la mer... Et jamais, je n'ai pu l'y emmener...

Je garde le silence.

- Elle est si loin que ça, la mer ? Demande Ethan.

- Non, répond la femme éplorée, mais je n'ai jamais eu le temps de l'y emmener...

Elle finit par relâcher son étreinte.

- Elle rêvait de prendre un bateau et de partir loin d'ici...

- C'est possible ? Demande Ethan, alors que je demeure muette de tristesse.

- C'est possible, affirme la mère d'Evelyn. Mais pour elle, c'est trop tard...

Je vois bien qu'elle fait tout son possible pour contenir ses larmes.

- Nous allons y aller, nous, s'exclame mon ami avec une assurance que je ne lui ai jamais connue. Nous voulons nous aussi prendre un bateau...

Un sourire triste apparaît sur le visage de la mère d'Evelyn.

Elle presse les mains d'Ethan entre les siennes :

-Alors, allez-y. Ne faites pas comme moi, qui ai refusé à ma fille le droit de vivre ses rêves. Allez jusqu'au bout des vôtres.


Nous parvenons au bord de mer le lendemain. Le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers refait battre mon cœur resté comme mort depuis la veille.

Je me rends compte à quel point je suis loin de la Cité.

Libre. Comme je l'ai toujours voulu.

Je vois l'horizon.

Et lorsqu'Ethan me prend la main et la serre de toutes ses forces, jamais l'avenir ne m'a paru plus radieux.








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