L'évasion

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- Je sais ce que nous devons faire.

- « Nous » ?

Je m'efforce de ne pas rougir et demande :

- Comment t'appelles-tu ?

- Ethan.

Ethan ouvre à nouveau la bouche :

- Et toi, quel est ton nom ?

- Kat.

J'ignore son air étonné, mais intéressé et poursuit :

- Ethan, nous devrions passer de l'Autre Côté. Tu m'as dit que ton grand-père t'a fait promettre de veiller sur les Murs, mais puisqu'en réalité, c'étaient plus les Murs qui veillaient sur vous...

- Je...

- Tu n'as pas d'avenir ici ! Tu ne peux pas passer le reste de ta vie enfermé là dans la solitude !

- Non, concède-t-il.

- Viens avec moi, je supplie. Il y a tant de choses qui nous attendent dehors !

Il garde le silence le temps de réfléchir, et je lis le dilemme auquel il est en proie dans ses yeux. Au bout de quelques minutes qui me paraissent être les plus longues de toute mon existence, il finit par déclarer.

- D'accord. Mais laisse moi préparer mes affaires...

A ces paroles, mon cœur se gonfle d'espoir et de joie, et je lui saute au cou.

Avant de me rendre compte que je ne le connais pas depuis si longtemps que ça et de reculer, les joues écarlates. Avec un sourire, il déclare :

- J'en ai pour deux minutes.

Je patiente.

- Bon, finit par dire Ethan en revenant dans la salle de la baie vitrée, un sac sur le dos. Je suis prêt. Mais je viens d'y penser : il faut prévenir les gens de la Cité que ça ne servira désormais plus à rien de me mettre des provisions dans la trappe. Je ne tiens pas à ce qu'ils les gaspillent en croyant que je suis toujours là, ou qu'ils s'inquiètent et pensent qu'ils sont abandonnés..

Je hoche la tête :

- Je vois. Et tu as une idée pour ça ?

- Oui. D'ailleurs, ça m'arrangerait beaucoup que tu descendes avec moi m'aider.

- Pas de problème, je réponds.

Donc, nous voici tous les deux, descendant l'échelle que j'ai empruntée pour venir.

Je me souviens de mon appréhension, à l'idée de ne pas trouver le soleil au terme de mon ascension. A présent, je j'ai plus peur, plus du tout. Je sais où je vais.

Et je ne suis plus seule. Ethan est juste quelques barreaux en dessous de moi.

Enfin, il saute à terre, et quelques secondes plus tard, c'est mon tour.

- Quel est le plan ? Je demande.

Ils'agenouille dans la semi-pénombre régnant dans le minuscule réduit et tire quelque chose vers lui, à l'origine plaquée contre la paroi. Il s'agit d'une large planche.

Elle fait exactement la taille de l'ouverture de la trappe.

- Passe-la moi quand je te le dirai, m'indique Ethan.

J'acquiesce,même si je ne suis pas sûre qu'il ait pu le remarquer dans la pénombre.

Il se met à plat ventre devant l'ouverture, tandis que j'agrippe la planche.

-Maintenant, m'indique-t-il, et je fais glisser la plaque de bois renforcée de métal vers lui.

Elles'encastre parfaitement et nous voilà plongés dans le noir. Ethan allume sa lampe de poche et je l'imite.

-Mission accomplie ! Indique-t-il.

- C'est tout ? C'est censé rassurer les gens de la Cité, cette simple planche ? Moi, j'aurai peint un smiley dessus, au moins ! je plaisante.

-Heureusement que c'est moi qui m'en suis occupé alors ! S'exclame Ethan. Allez, partons d'ici.

Nous revenons dans la salle où j'ai rencontré Ethan pour la première fois, puis il me guide vers un escalier qui mène à la sortie, je présume. Nous descendons et nous arrêtons devant une petite porte à double verrou. La main d'Ethan se pose dessus, hésite.

- Tu as peur ? je demande.

- Un peu, reconnaît-il. Pas toi ?

- Non, je réplique immédiatement.

Et c'est vrai. Je suis emplie d'excitation et de curiosité, mais nullement effrayée.

- La porte se fermera automatiquement de l'intérieur dès que nous serons sortis, explique alors Ethan d'une voix neutre. J'ai le passe pour la déverrouiller, mais je le laisserai à l'intérieur quand nous partirons. Jamais personne ne le trouvera.

- Tu as raison, c'est mieux comme ça.

- Quoiqu'il en soit, nous ne pourrons jamais plus rentrer de nouveau.

J'acquiesce.Je ne voyais pas les choses autrement. Ethan insère une petite carte dans une fente près de la poignée et un cliquetis retentit, brisant le silence autour de nous.

Il pousse un peu la porte de son épaule et un rai de lumière m'éblouit. Je vais être libre ! Enfin ! Comme on dirait dans mes livres : évasion réussie ! J'exulte.

- Une minute ! M'arrête Ethan. Il va falloir être discrets si l'on ne veut pas éveiller les soupçons des gens qui vivent de ce côté... Donc, quoi qu'il arrive, tu me laisses parler.

Je soupire. Ce n'est pas le moment de protester...

-Entendu...

Ethan ouvre la porte en grand.

Je me précipite dehors alors qu'il récupère le passe et le lance le plus loin possible dans les ténèbres de l'intérieur des Murs. Puis il sort aussi et la porte se ferme. Pour toujours.

Mais cela importe peu. Je suis à l'extérieur de Murs. Je suis là où ma place a toujours été. Je suis libre !

Mon regard se porte sur la ville de matériaux de récupération, à quelques cinq cents mètres de la ceinture de broussailles qui dissimule le passage par lequel Ethan et moi sommes arrivés.

C'est alors que la question la plus importante, la plus évidente pourtant,et que j'ai, Dieu sait comment, négligé de poser tout à mon excitation, me frappe.

-Ethan, je lâche.

Il tourne la tête vers moi :

- Qu'y a t-il ?

- Ces gens...

Ma voix se brise. Je respire profondément et reprends :

- Que font-ils là ?

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