De l'Autre Côté

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  Je regarde à nouveau les abris de fortune faits de bric et de broc :leurs conditions de vie me semblent misérables...

- Pourquoi ne sont-ils pas dans la Cité, eux aussi, dans des conditions de vie meilleures ?

- Tu te rends compte de ce que tu as quitté... me souffle Ethan, ses yeux verts emplis de chagrin.

 Je le regarde sans comprendre.

- Tu vois, ajoute-t-il, tu aurais dû rester dans la Cité, tu y aurais été bien mieux qu'ici...

Je me hérisse aussitôt :

- Non ! Ce n'est pas ce que je veux dire ! Seulement... Pourquoi ces gens vivent-ils si misérablement ? Réponds-moi !

Il soupire :

- Toute cette histoire date de l'an 2157, selon la manière dont les gens comptaient les années durant le Temps d'Avant. A cette époque, il n'y avait pas encore les Murs... Mais la société était déjà divisée: les très pauvres d'un côté, et les très riches de l'autre. Les pauvres subissaient la famine et la maladie alors que les plus riches, qui représentaient à peine un pour cent de la population, vivaient dans une oisiveté insouciante.

Malgré moi, je crois que je commence à voir où il veut en venir.

- A un moment donné, poursuit Ethan, il y a eu des révoltes. Alors les riches se sont regroupés et grâce à leur fortune...

- Ils ont construit la Cité et s'y sont enfermés, je complète.

Mon cœur est comprimé par un poing invisible. Je ne suis pas responsable de quoi que ce soit, mais j'ai honte de ce qu'on fait mes ancêtres : ignorer les autres personnes de la planète moins favorisées qu'eux, les abandonnant à un destin plus qu'incertain.

Alors qu'eux mêmes avaient tout ce dont ils avaient besoin...

- Exactement, me confirme Ethan. Mais, tu ne dois pas le dire à tous ces pauvres gens qui vivent ici...

- C'est contraire à ton serment, je complète, je sais. Ne t'inquiète pas.

Je me sens pitoyable d'avoir vécu les dix-sept années précédentes sans être au courant que d'autres personnes, ailleurs, souffraient parce que jadis, les miens avaient refusé de leur tendre la main.

Un bruissement dans les buissons me fait sursauter et Ethan et moi nous tournons dans sa direction. Une petite créature au poil mordorés'avance vers nous en ronronnant, les moustaches frémissantes. Je n'en crois pas mes yeux.

- Un chat ! je m'exclame en me mettant à genoux pour caresser l'adorable petite créature.

Je suis aux anges. Le premier animal que je croise de l'Autre Côté est celui qui m'a donné mon nom.

Ça ne peut être qu'un bon présage.

Ethan aussi se met à caresser le chat, et bientôt, le souvenir de notre conversation déprimante sur le sort des habitants de l'Autre Côté s'estompe de ma mémoire: ce n'est peut-être pas si mal, ici, finalement ! Ethan finit par se redresser.

- On y va ? demande-t-il, et je sens bien l'excitation percer dans sa voix.

- Oui !

Je jette un dernier coup d'œil au chat qui folâtre dans les hautes herbes puis je reporte mon attention sur la ville, droit devant nous : c'est là qu'est mon destin, je le sais !



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