Chapitre 1

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Le vent soufflait doucement dans mes cheveux. La brise soulevait les mèches noir ébène qui entouraient mon visage. Elle caressait fraîchement mes joues. Quelle douceur, quel sentiment de bien-être. J'aimais m'asseoir seul dans la clairière de la forêt léchant ma maisonnette. Les bois, bien que magnifiques, étaient toujours sombres. Les arbres protégeaient la lisière de la forêt des rayons du soleil. La clairière, elle, était illuminée de toutes parts, elle se dessinait comme un paradis depuis le couvert des arbres. Tout en ce lieu était bon et apaisant. Aucune once de mal. L'air pur, le vent frais, le bruissement des feuilles de la lisière du bois. Ma vie était simple et heureuse, aucun problème à relever. J'avais deux généreux et justes parents et une adorable petite sœur. Je ne pouvais être plus heureux. Et j'étais bien innocent à cet âge. Loin de me douter que la vie était affreuse. M'émerveillant de chaque chose pouvant exister. D'ailleurs dans le premier arbre à ma droite résidait une petite famille d'oiseaux. Depuis le centre de la clairière je les regardais. Je ne m'approchais jamais pour ne pas troubler leur tranquillité. Les minuscules oisillons avaient éclos il y avait seulement une semaine. Leurs parents étaient dévoués et leur apportaient très souvent de petits insectes pour qu'ils se sustentent et puissent grandir en ayant le ventre bien plein. En étant très patient et en restant des heures immobile, assis en tailleur, au milieu du lieu je pouvais parfois apercevoir une biche et son faon qui venaient eux aussi profiter du soleil. La biche m'avait remarqué une fois, j'avais alors retenu mon souffle, je craignais qu'une seule bouffée d'air ne la fasse fuir et je ne voulais surtout pas gâcher ce spectacle qui s'offrait à mes yeux. Elle m'avait fixé pendant plusieurs minutes, mesurant le danger, puis elle s'était remise à brouter l'herbe légèrement jaunie de la clairière tout en me jetant quelques regards. Elle était repartie quinze minutes plus tard avec son petit à l'équilibre encore incertain. Depuis, lorsqu'elle m'apercevait, elle me fixait une fraction de seconde puis repartait à ses occupations. Elle s'était habituée à ma présence et me tolérait auprès d'elle et de sa progéniture. Je ne bougeais jamais d'un millimètre quand ils étaient là, je les laissais paître autant qu'ils le souhaitaient sans les gêner ou les inquiéter. C'était toujours une redécouverte, toujours un spectacle magnifique, une des scènes de mon quotidien dont jamais je ne me serais lassé.

Aujourd'hui, il n'y avait aucun bruit dans la clairière, pas de biche, pas d'oiseaux. Le silence était pesant mais parfois agréable. Les rayons du soleil me réchauffaient le visage lors de cette matinée un peu fraîche.

-Aragost !

J'eus à peine le temps de tourner la tête que Llorë me sautait sur le dos pour s'écrouler et rouler dans l'herbe avec moi. Elle était si légère que même en sautant depuis un arbre elle ne me blesserait pas. Pris en embuscade je fis semblant de faire le mort et dans un faux râle de décès je dis :

-Oh... Llorë... Grande guerrière que vous êtes vous m'avez abattu. Je meurs ! Argh...

Ma tête tomba sur le côté avec la langue sortie. Llorë rigola et me secoua les épaules alors qu'elle était assise sur mon torse.

-Allez Aragost ! Moi je veux pas que tu meures ! Pis si tu meurs les parents vont te gronder parce que tu seras en retard pour manger !

Mon ventre émit un long gargouillis à l'idée de manger quelque chose. J'étais parti très tôt ce matin de la maison et je n'avais emmené avec moi qu'un croûton de pain. Je poussais gentiment ma petite sœur sur le côté pour pouvoir me relever. Elle me fit un grand sourire puis elle partit en sautillant vers la maison. Ses cheveux, aussi blonds que le blé, flottaient dans l'air à chaque petit saut. Le soleil se réfléchissait sur sa peau aussi blanche que la neige. Elle était toute petite et toute menue mais elle redoublait d'énergie du matin au soir. Elle avait quatre ans de moins que moi mais elle m'arrivait déjà au torse. Ma mère l'appelait souvent mon petit épi de blé en référence à sa chevelure blonde toujours en bataille. Pas étonnant car elle n'arrêtait jamais de bouger ! Il arrivait même parfois que sa grande crinière rebelle ramène avec elle les épis de blé des champs avoisinant notre maison.

Condamné à VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant