Chapitre 3

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Cinq ans étaient passés. Cinq longues et dures années. Nous avions trouvé une solution à nos problèmes d'argent. J'avais dû faire des gros efforts. Le père d'Adgath acceptait que mon père reprenne son travail si je proclamais des excuses en public et qu'après cela je travaille chez lui gratuitement un temps indéterminé. C'est comme ça que depuis cinq ans j'allais chaque jour de la semaine chez cette famille de petits bourgeois et que je devenais un véritable esclave. Je travaillais tout le temps. Le seul moment de repos qui m'était accordé était la nuit. Les premières semaines j'avais été exemplaire. Puis une nuit j'étais parti à la clairière. Le lendemain, lorsque j'étais rentré, j'ai cru que mes parents allaient me tuer. Et c'est ainsi que ma vie s'était résumée à dormir et faire l'esclave. Je n'avais plus aucun moment à moi. Même dessiner devenait impossible. Adgath passait ses journées à me rabaisser. Cinq ans d'asservissement extrême. Je voyais à peine Llorë. Lorsque je partais elle dormait, lorsque je rentrais elle dormait. C'était bien simple, je vivais pour servir, rien d'autre. Je priais chaque jour pour que je puisse revenir en arrière et changer mes actions. Mais bien évidemment mes prières étaient vaines.

Un jour d'été, la mère d'Adgath tomba gravement malade et le père me congédia la journée. Une journée libre ! Dès que je fus dehors je courus en direction de mon petit sanctuaire. Respirant l'air frais de la forêt et sentant la douce brise me caresser le visage. Enfin arrivé à la clairière je me couchai dans les hautes herbes. Profitant du chant des oiseaux et du vent. J'aurais voulu naître faucon, au moins personne ne m'aurait entravé et j'aurais été libre, totalement libre.

-Tu peux toujours être libre, il suffit de choisir cette voie.

Je bondis sur mes pieds. Qui venait de parler ?

-Qui êtes-vous ?

Du haut de mes dix-huit ans je pouvais désormais avoir une voix grave et autoritaire. Je ne voyais personne. Étrange, je n'avais pourtant pas rêvé j'en étais sûr !

-Moi.

C'était une petite voix, elle venait des arbres.

-Montrez-vous !

C'est alors que je vis un faucon, de la même couleur que l'écorce, s'envoler d'un arbre et venir se poser sur un rocher à côté de moi. Une coïncidence, rien de plus.

-Montrez-vous ! Je ne vous ferais aucun mal !

-Mais je suis là ! Tu n'es pourtant pas aveugle !

Une sueur froide remonta le long de mon dos. Je me tournais lentement vers le rocher, vers le faucon. J'ouvris de gros yeux. Par tous les dieux, je devais être en train de rêver, oui ça devait certainement être ça.

-Pourquoi tu me regardes comme un abruti ?

Le faucon venait de parler ! Je l'avais vu ouvrir son bec ! Les sons sortaient de sa bouche ! Je retins un cri de surprise.

-Par tout les dieux ! Tu viens de parler ?!

-En effet, c'est si étonnant ?

-Mais... Mais t'es un oiseau !

-Un faucon s'il te plaît, ne me rabaisse pas à leur niveau.

J'étais sûr d'entendre de la fierté dans sa voix. J'étais en plein délire ! Le père d'Adgath ne m'avait jamais laissé de jour de libre et j'étais juste en train de dormir et d'imaginer tout ça. C'était la seule explication valable.

-T'as vraiment l'air idiot toi...

Bon sang ! Ce piaf osait me manquer de respect en plus !

-Mais comment tu peux parler ?!

Condamné à VivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant