*Miroir d'eau (1)

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Des pas. Invisibles. Indiscernables. Silencieux. Légers. Ils se confondaient presque avec le doux vent...

Mais ils n'étaient pas inexistants. Ils demeuraient aussi réels que leur détentrice pouvait l'être.

C'était...Une forme. On en distinguait un simple voile albâtre, épousant avec toute la délicatesse que l'on peut imaginer, le frêle corps d'une âme égarée, seule. S'agissait-t-il d'une réalité ? D'un mirage ? Personne ne saurait l'affirmer car personne ne résidait en ces lieux mystiques.

Chacun de ses mouvements semblait accaparer toute l'attention possible, de chaque animal, de chaque plante, de chaque petit brin d'herbe le plus infime soit-il. Et chacun de ses fameux pas donnait l'impression qu'une fois effleurant la terre remuée par endroit, le décor reculait, tandis qu'elle tentait désespérément d'avancer.

Elle n'avait pas d'ombre. Elle n'avait pas d'expression faciale. Elle n'avait pas de démarche particulière. Elle paraissait ne rien avoir, marcher sans but, vagabonder telle la vie perdue qu'elle était. Pourtant...Elle possédait bien quelque chose. Quoi ? Seule cette intrigante silhouette le savait.

Et alors que ce spectacle s'annonçait durer éternellement, elle fit halte. Comme ça. D'un coup. Pourquoi? Car une surface s'interposait face à elle.

Aussi fine qu'elle. Aussi unie qu'elle. Et toute aussi irréelle qu'elle.

Une seule et unique chose les différenciait. L'une était un esprit. L'autre était un miroir.

Un miroir dans lequel elle ne pouvait se distinguer. Un miroir dans lequel ses traits n'apparaissaient pas. Un miroir dans lequel elle ne pouvait se réverbérer.

Car elle était morte. N'existait plus. Un fantôme, ectoplasme, esprit ou âme. Mais sa poitrine ne se soulevait pas. Sa peau n'était pas colorée. Et elle n'avait pas de reflet.

Et elle sourit. Oui, les coins de ses lèvres s'étiraient progressivement, tristement. Elle n'était pourtant pas vivante. Ses prunelles restaient vitreuses. Son sang n'était plus pompé par son coeur qui ne battait plus. Alors pourquoi?

Dans le miroir, un sillon se découpait lentement du paysage lugubre et sombre. Sa trajectoire était dirigée vers le bas, glissant avec grâce et mélancolie. Une larme. Ce fut une larme qui eu l'audace de caresser la joues de cette être si mystérieux. Et ce fut cette larme que le miroir accepta de reproduire. Seulement cette larme.

Elle représentait un dernier souffle de vie avant que la défunte fille ne pût pénétrer le monde des morts, enfin paisible.

Car elle n'était finalement pas entièrement partie.

Chevredespres

JE SAIS PAS ECRIRE...Ah Si MerdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant