Partie 1 sans titre

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J'étouffais dans mon oreiller un grognement de frustration. J'étais réveillée et pas à cause de mon réveil. Des voies certes étouffées mais néanmoins trop vives traversaient les cloisons pour venir agresser mes tympans et secouer mon cerveau à moitié endormi.

Je me levais comme un zombi, choppais le premier jean passe partout et un t-shirt dans mon armoire, attrapant en passant des sous vêtements affreusement dépareillés avant de me diriger avec une démarche digne du clip de Michael Jackson vers la salle de bain.

Miss perfection avait mis de l'eau partout, comme d'habitude et je grimaçais en marchant dans une flaque d'eau gelée qui imprégnait le tapis avant de sentir enfin le jet d'eau bouillant parcourir ma peau nue pleine de chair de poule.

Pour un temps, je me sentais enfin seule avec moi-même, le bruit de l'eau occultant toute nuisance sonore désagréable. Enfin, jusqu'à ce que mon père vienne frapper à la porte en me disant que si je comptais bouffer toute l'eau du pays, j'allais être en retard. Pour un peu, je me serais presque endormie sous la douche....

Je m'habillais donc en hâte, récupérant mon sac et ma veste en jean dans ma chambre au passage puis descendais quatre à quatre les marches en manquant de peu me rompre le cou en me prenant les pieds dans le sac à langer d'Emma. J'enfilais mes docks chéris avant de piquer un sprint vers l'arrêt d'autobus le plus proche en apercevant mon bus tourner à l'angle d'une rue beaucoup trop proche.

Forcément, quand on habite à un terminus, au début il n'y a personne dedans, mais en arrivant au lycée, le bus était blindé et j'ai dût jouer des coudes pour en sortir indemne et à temps. Je remontais mon sac à dos sur mon épaule puis avançait au milieu d'un début de foule bigarrée. Les grilles m'étaient déjà familières tant j'étais souvent venue chercher Lola ici avec ma mère. Je préférais nettement y venir seule, au moins comme ça je me fondais dans la foule et je n'étais pas l'objet des regards curieux.

J'avais demandé à mes parents de m'inscrire ailleurs mais ils avaient refusés, les lycées privés étaient trop cher et le prochain lycée public se trouvait à l'autre bout de la ville. J'entrais dans la cours à mi-chemin entre la résolution et l'angoisse de la rentrée. Sur les fenêtres d'une salle de classe de rez-de-chaussée, des feuilles blanches attiraient les élèves comme la lumière pouvait attirer les insectes la nuit. Je me glissais entre les corps agités et trouvait mon nom sur la liste avec la note à côté : dossier incomplet, passez à la vie scolaire.

Je poussais un soupir de frustration et dirigeait mes pas vers la vie scolaire comme indiqué sur le plan que j'avais récupéré lors de mon inscription. Je frappais avant d'entrer en espérant résoudre le problème avant la sonnerie de début des cours. A l'intérieur de la salle aux teintes bleutées se tenait un garçon blond que je reconnaissais instantanément.

-Bonjour Nathaniel.

J'étais soulagée de tomber sur lui, c'était un ami de ma sœur et son prétendant actuel. Un type bien trop gentil et serviable pour son bien. Il n'avait rien à voir avec Lola et c'est probablement pour ça qu'il lui plaisait. Le nez plongé dans ses papiers, il releva la tête et me fit un sourire resplendissant comme un soleil. C'est le genre de type qui gagne à être connu, dommage qu'il soit si procédurier et formel d'entré, ça refroidit n'importe qui.

-Bonjour Marie. Je t'attendais.

-Comme probablement une dizaine d'autres nouveaux à qui il manque quelque chose dans leurs dossier, répliquais-je en riant.

Il aligna une pile de papier en les faisant claquer sur son bureau.

-Pas tout à fait, en fait je dois te conduire chez la directrice.

Mon rire s'étrangle dans ma gorge. Pour l'avoir déjà aperçue de loin en grande conversation avec Lola, elle n'a pas l'air commode.

-Mais pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

Son sourire chaleureux me dit qu'il en a une vague idée et que ça ne vas pas me plaire tandis qu'il pose la pile sur son bureau avant de me proposer de m'accompagner. Je le suis donc docilement en me demandant ce qui pouvait bien se passer, l'angoisse de ce rendez-vous surprise s'additionnant à celle déjà omniprésente d'une rentrée dans un nouvel établissement.

Il arrive devant une porte, frappe juste un coup avant d'entendre une voie vieillotte partant dans les aigues crier d'entrer. Il me fait signe de passer la porte et la referme derrière moi avec un petit signe de tête encourageant. Mince, mon chevalier servant ne sera pas de la partie.

-Et bien qu'attendez-vous ! Asseyiez-vous ! J'imagine que vous savez pourquoi vous êtes là ?

J'obtempère, posant le bout des fesses sur le bout de la chaise, prête à décamper manu militari le sac à dos en main.

-Je... Il manque des documents à mon inscription ?

Moi j'étais pourtant sure d'avoir tout donné mais c'était la seule explication qui me venait en tête...

-S'il ne s'agissait que de cela, j'aurais laissé les délégués s'en charger. J'ai autre chose à faire que de m'occuper de paperasse de second ordre mademoiselle Parker.

Je déteste la façon qu'elle a de prononcer mon nom de famille, on dirait presque une insulte. Des mèches de cheveux s'égarent de son chignon qui se secoue à chacune de ses agitations. Dans un coin de la pièce, un chien assez moche me regarde la bouche ouverte, la langue sur le côté comme s'il se marrait.

-Non, si je vous ai fait venir avant le début de l'année scolaire, c'est pour mettre les choses au point avec vous dès le début. Il est hors de question, vous m'entendez ? Hors de question que d'autres évènements viennent ternir la réputation de notre établissement! Je ne tiens absolument pas à ce que ce qu'il s'est produit avec votre sœur se reproduise à nouveau. Est-ce que je suis claire Mademoiselle Parker ?

La lumière de la compréhension divine s'allume dans mon esprit, en gros, ma sœur fait les conneries, je me fais engueuler pour que je ne les reproduise pas. Génial ! J'adore être mise dans le même panier que Lola, ça fait toujours plaisir....

-Parfaitement clair Mme la directrice.

Ouf, j'ai réussie à garder mon calme et une voie neutre. Vive moi ! Mes mains sont néanmoins crispées sur mon sac à dos comme si je souhaitais en faire des confettis. Non pas que j'en sois capable, mais si seulement je pouvais, ça me défoulerais.

-Vous pouvez disposer, il ne s'agirait pas d'être en retard lors de votre premier cours ici ni lors des suivants d'ailleurs. Au plaisir de ne pas vous revoir de sitôt Mademoiselle Parker.

Je me lève et prends la poudre d'escampette. Referme soigneusement la porte du bureau, expire un bon coup avant de prendre une grande respiration apaisante. Ça ne sert à rien de répliquer de toute façon, les adultes ont toujours raisons. Faisons donc comme si rien ne s'était passé.

La fille banaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant