Nuit 2 ~ partie 9

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Je fixe les yeux du jeune métisse, les dents serrées. Des cernes brunes se dessinent, bien visibles sous ses cils. Il me regarde aussi. Je ferme les yeux.

Il est serveur, il doit se tuer et travail avec des horaires pas possibles, et à cause de moi il va rater plusieurs heures de sommeil. Je lui dois au moins de ne pas faire ma difficile et de souffrir en silence.

J'allonge mon bassin plus en arrière afin de sentir la totalité de ma colonne vertébrale bien à plat sur le matelas ; je déplisse les traits crispés de mon visage en me recentrant sur mon propre corps, en dépit de la douleur de plus en plus insistante. Je détends mes muscles un à un, ceux des joues, de la nuque, mes épaules, mes bras... En essayant d'oublier mes poignets enserrés par Bilal... Je décrispe mon ventre et prends consciente de mes jambes que je sens lourdes...

Je souffle profondément, m'imaginant nageant la brasse tout au fond du bassin, à quelques centimètres du sol blanc. Je le sens frôler mes seins parfois, mes genoux. Je me vois souffler avec énergie quelques nuages de bulles argentées, elles caressent mon cou avant de remonter fébrilement le long de mes joues, d'effleurer mes cheveux lâchés et de s'envoler vers la surface.

J'inspire avec difficulté, la gorge serrée. C'est comme si un oursin venait s'accrocher à ma peau et ne voulait plus s'en détacher.

─ C'est bientôt fini.

J'esquisse un simple sourire. C'est assez déstabilisant de savoir qu'un beau garçon est penché au-dessus de toi depuis un moment, tout de même. Heureusement que j'ai les yeux fermés, parce que sinon je crois que mon rire nerveux prendrait le dessus.

Cette fois, je n'arrive plus à passer outre. La douleur est trop forte.

Je commence à me tortiller et à plisser les paupières, sans ouvrir les yeux pour autant. Je gémis.

─ J'ai mal...

─ Plus que cinq minutes et on te laisse tranquille, m'assure Frédéric.

─ Mais j'ai trop mal... S'il vous plaît...

Je retiens un sanglot. Ne pas pleurer. Tu n'es plus une enfant.

─ On a presque fini, Lena.

─ Oui... Aïe...

Pendant les quelques minutes restantes, je m'imagine au chaud dans mon lit devant une bonne série. Je revois les meilleurs moments de ma série préférée, les plus beaux plans, je me remémore les bandes sons qui résonnent dans ma tête.

L'aiguille se plante et se replante dans ma peau, je sens ces radiations douloureuses se répandre dans mon mollet et le sang couler une ultime fois le long de mon pied avant d'entendre le tintement métallique de l'objet origine de mes souffrances contre un plat en inox.

J'ouvre enfin les yeux.

~

Le trajet du retour se passe dans le silence. Bilal a insisté pour me ramener en voiture. J'ai refusé mais Frédéric et Elisabeth ont été catégoriques. J'ai remercié le médecin du mieux que j'ai pu. Je me suis promis de le rembourser du mieux que je pouvais.

Bilal m'a épaulée jusqu'à sa voiture, je n'arrivais pas à prendre appui sur ma jambe gauche, à cause des quelques traces restantes de l'anesthésie.

Maintenant j'observe tour à tour l'obscurité des champs que la petite route traverse, puis le profil du serveur. Un visage à graver dans ma mémoire.

WATER daughtersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant