Nuit 3 ~ partie 1

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[Cher lecteur ; ce chapitre comportant des passages aux ambiances très différentes, je te recommande fortement (vraiment) d'écouter les morceaux proposés au fur et à mesure de la progression de Lena. Belle lecture.]

[Je te propose de lire ce passage accompagné.e de la chanson  Perfect Strangers de Jonas Blue et JP Cooper]

          Peut-être que je devrais me sentir stressée de le voir. Peut-être qu'en me prenant en photo, Évy va bientôt s'apercevoir que je suis en train de fixer quelqu'un. Mais je reste immobile à observer cette lointaine vitrine et cet unique serveur s'affairer à mettre les couverts sur les tables en prévision du lendemain. Ses mouvements me semblent quelque peu automatiques et répétitifs et je pense qu'avec sa concentration au travail, il aura fini dans quelques minutes, puis il fermera le restaurant, rangera les clés dans une poche de son sac à dos noir, ouvrira la portière et démarrera sa voiture, garée au bord du même trottoir que l'autre soir. Mais...

      ─ Allez Lena, il est tard, on rentre !

     Je ne dis rien et jette un dernier regard à la vitrine ; surprise, la lumière s'est éteinte entre temps. Je descends rapidement du rebord de la fontaine et contourne l'avant du 4x4 avec entrain. Lorsqu'

Évy démarre, je fixe l'autre bout de la place plongée dans l'obsurité, à la recherche d'une ombre verrouillant la fameuse porte.

     Le 4x4 fait le tour de la fontaine, longe le petit parc ; je me revois assise sur ce banc éclairé par ce lampadaire, ma tête encapuchonnée sous la pluie, suivant du regard notre voiture dans la nuit.

      Nous tournons à l'angle du parc et passons enfin devant le restaurant. Et soudain, il est à sa portière, le 4x4 passe et son visage doux se relève pour laisser se croiser nos regards. Ça ne dure qu'une seconde mais ma gorge se serre et je m'enfonce un peu plus dans mon siège, les doigts un peu trop agrippés aux accoudoirs. On n'aurait peut-être pas dû passer par là, finalement...

~

          La porte d'entrée s'ouvre sur une grand-mère et sa petite fille, hilares du bruit qu'elles font malgré elles dans cette maison silencieuse.

      ─ Chuuut...!

─ Parle pour toi ! je réplique tout en m'asseyant sur le petit placard à chaussures afin de me faciliter la tâche alors que je retire mes espadrilles ; Évy referme la porte à clé avec un peu plus de bruit qu'il n'aurait fallu.

     Nous nous souhaitons bonne nuit et je l'embrasse en la remerciant pour cette belle soirée. Elle sent encore l'alcool mais sa joie m'a été contagieuse ce soir. Le contact de la peau fine et tendue de son cou contre le mien m'apporte du réconfort alors que notre étreinte s'éternise un peu.

     Je finis par me détacher d'elle et lorsqu'elle qu'elle me sourit, son iris bleuté est éclairé un instant par un rayon de lune filtré par la fenêtre. J'évite de contempler ma grand-mère trop longtemps et m'apprête à monter les escaliers, mais une bande de lumière attire mon regard perdu dans ce noir complet.

     N'écoutant que très distraitement les pas d'Évy s'éloigner dans le salon, je redescends la marche que j'ai commencé à gravir et m'approche dans ce couloir que je n'ai pas emprunté depuis ma visite de la maison. Cette raie de lumière provient de sous une porte. Yann ne dormirait donc pas ce soir ? Je rebrousse chemin.

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