Chapitre 3 - Lili

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Mes parents étaient complètement cinglés d'avoir acheté cette ruine ! Comment avaient-ils pu balancer toutes leurs économies dans ce... truc ? Étaient-ils aveuglés par le prix du château défiant toute concurrence ? Est-ce qu'ils avaient au moins vérifié qu'on pouvait entrer à l'intérieur sans que la bâtisse ne s'écroule ?

- Mais ça va pas !!! m'écriai-je dans l'habitacle. Vous êtes complètement malades d'avoir acheté une merde pareille ! Faut être cinglé pour entrer dans un truc pourri comme ça !!! Je veux rentrer à Paris !

Cette parole était sortie toute seule, mais je ne regrettai absolument pas ce que je venais de dire.

P'tit Paul me regarda du coin en grimaçant. Il savait très bien que j'allais payer cette phrase de trop. Surtout que papa pouvait maintenant me hurler dessus car il n'était plus au volant. Comme je l'avais pressenti, ni une ni deux, il se retourna et plongea ses yeux sombres dans les miens et hurla :

- Élise Delaunay ! Ça suffit maintenant ! Tu vas arrêter ça sur le champ ! Je ne veux plus t'entendre dénigrer ce château et nos convictions !!!

Oula ! Quand il prononçait mon prénom entier et mon nom, ce n'était jamais bon signe... Je pouvais presque sentir les picotements sur mes joues avant que la gifle n'arrive à destination. Son index pointé vers moi, son regard furieux et les vibrations de sa voix qui se répercutaient aux quatre coins de la voiture sonnaient comme le dernier avertissement possible. Après quoi, j'étais certaine qu'il ferait en sorte que je ne puisse plus rien critiquer pendant plusieurs semaines...

- Je te préviens Lili, encore une remarque et on te fait bosser durant tout le mois de juillet avec nous sur le château ! S'exclama mon père.

Puis il sortit de la voiture en claquant furieusement la porte. Maman soupira en hochant la tête avant de nous quitter.

Je ne comprenais vraiment pas cet amour pour les châteaux, et surtout pour celui-ci ! Il n'avait rien de beau ! Gris foncé par le temps et l'incendie qui s'y était déclaré, on ne pouvait presque pas distinguer la toiture en ardoise des murs. En plus, il était super vieux... le seizième siècle, c'était il y a longtemps ! A part le toit et les grandes fenêtres, rien n'était neuf. Une grande bâche noire faisait office de porte pour l'entrée arrondie de la demeure. Et puis mon frère avait raison : le temps maussade rendait lugubre ces lieux.

Mais soyons lucide ! Qui aimerait vivre au beau milieu de nul part ? Il était clair qu'aucune personne de mon âge ne pouvait vivre ici ! Le dernier village qu'on avait passé avant de gravir la montagne ne pouvait accueillir que des petits vieux ! Un vrai patelin pour les retraités ! J'étais certaine qu'on ne serait les deux seuls jeunes dans ce trou à rats !  

En tout cas, rien ne me donnait envie de vivre ici. Perdue au milieu de nul part, dans un château qui pouvait s'effondrer d'une minute à l'autre, sans amis... Il était clair que je devais absolument fuir d'ici. Je ne pouvais pas faire ce genre d'effort pour les beaux yeux de mes parents. Mais je ne voulais pas laisser mon P'tit Paul tout seul. Surtout qu'on s'était mis d'accord : Je devais rester au moins un an pour que mon petit frère se fasse à cette nouvelle vie, qu'il oublie ses démons d'avant et qu'il montre une nouvelle image de lui. J'avais tellement envie de le protéger contre tous ceux qui le prenaient pour leur souffre-douleur... Ici, c'était pour lui un nouveau commencement, il pouvait au moins se faire des amis et cacher sa trop grande gentillesse.

- Tu fais quoi, Lili ? Me demanda Paul alors que j'enfilai mon sweat.

- Je vais faire un tour, ça me saoule d'être là...

Il regarda par la fenêtre de la voiture mes parents donner des directives aux déménageurs puis se retourna vers moi :

- Mais il pleut dehors...

Le Château des LysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant