On me laissa entrer dans une salle uniquement illuminée par un néon. L'homme me demanda de patienter. La petite pièce n'était meublée que d'une simple table rectangulaire en formica et je m'assis sur une des quatre chaises autour d'elle. Pour la plus vieille banque de France, je trouvais cette cage à poules totalement incongrue mais je n'y prêtai attention que quelques instants. Patienter, patienter... J'avais déjà beaucoup trop attendu mais j'arrivais enfin au but. Encore quelques minutes et je saurai tout. Tout ce suspense commençait à me rendre malade. Je m'étais rendu compte que mes ongles étaient presque inexistants et mes dernières nuits paraissaient, elles, trop longues.
Je triturais l'enveloppe dans laquelle j'avais rangé tous les messages et le premier courrier reçu, la tapotant sur la table et la retournant par les extrémités. Une simple enveloppe qui m'était destinée avais été envoyée au château à mon intention, deux semaines plus tôt. Maman m'avait téléphoné en me disant qu'une lettre était arrivée pour moi. J'avais pourtant fait les changements d'adresses nécessaires ! Selon ses propos, ce courrier avait été expédié de Paris ! Et bien sûr, je résidais dans cette même ville depuis un an !
J'étais reparti sur la capitale pour marcher sur les traces de papa. A présent, il était un petit agent immobilier mais avant, il travaillait en tant qu'architecte dans une agence réputée. Il y avait bien des écoles sur Clermont-Ferrand, mais je voulais réellement passer par l'académie de Paris, la même que lui, et surtout, renouer avec le passé.
Je m'étais donc installé dans l'appartement de Grand-Ma, qui me l'avait laissé suite à son emménagement en maison de retraite pour être plus proche de son nouveau compagnon qu'elle avait rencontré en allant rendre visite à des amies.
On frappa à la porte, et le conseiller ne se fit pas prier pour entrer. Mon cœur se mit à cogner dans ma poitrine aussi fort qu'un tambour. Il fallait que je reprenne ma respiration que j'avais du mal à retrouver. Pourtant, ce que je vis me surpris. Huit ans que ma famille était sans aucune nouvelle d'Élise, ma grande sœur, et le type arrivait avec une simple malle en bois, assez profonde tout de même, qu'il déposa sur la table avant de repartir en refermant la porte derrière lui. Merde alors ! Des pensées morbides se propagèrent dans mon esprit. Lili ? Dans cette boite ???
Pendant plusieurs minutes, je tripotai cette clé que j'avais réussi à trouver grâce aux indices laissés par ma sœur dans un des messages qu'elle n'avait adressé qu'à moi. A l'intérieur, elle ne laissait rien transparaître de son état et me demandait de ne parler de cette lettre et de ce que j'étais sur le point de découvrir à personne. Pourquoi ne faisait-elle confiance à personne, y compris à nos parents ? Pourquoi autant de mystère autour de sa disparition ? Pour quelle raison ma sœur ne m'avait-elle pas envoyé cette lettre avant ? Et pourquoi Lili avait organisé cette stupide chasse au trésor pour en arriver là ?
Je venais tout juste de terminer mon stage dans l'ancien cabinet d'architecte de papa quand j'ai reçu cette lettre, renvoyée par maman. Depuis plusieurs années, elle n'ouvrait plus mon courrier et heureusement d'ailleurs ! Quoique, j'aurais sans doute été soulagé qu'elle lise la lettre d'Élise. Tout ce qui concernait ma sœur était du domaine public, au château. On parlait d'elle tout le temps, et au passé malheureusement. A chaque fois, les yeux de maman s'embuaient, et papa avait toujours le tic de se racler plusieurs fois la gorge. Mais je sentais que tous les deux avaient besoin de parler d'Élise. Comme si le simple fait de redire son prénom à haute voix apportait sa présence parmi nous.
Au bout de neuf années sans nouvelles de ma sœur, je m'étais fait à l'idée qu'on ne la retrouverait jamais. Elle avait laissé une simple feuille de papier sur son lit, ce jour-là. Je me souviens encore de maman, complètement paniquée, appeler Grand-Ma pour savoir si Lili n'était pas revenue à Paris, comme elle l'avait tant de fois lancé aux parents. En fait, je m'étais toujours dit qu'elle nous avait abandonnés, qu'elle m'avait laissé seul. J'en ai beaucoup souffert, même si je ne laissais rien paraître. Toutes ces années sans elle... Elle qui me lisait une histoire, le soir avant de nous coucher. Elle qui était toujours présente, comme une petite maman, lorsqu'on se moquait de moi à l'école. Elle qui me câlinait sans raison mais qui réchauffait mon cœur.
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Le Château des Lys
ParanormalQuand Paul, le jour de ses dix-huit ans, découvre le journal intime de sa grande sœur Élise disparue neuf ans plus tôt, il n'arrive pas à y croire. D'après ce qu'elle a écrit, dès leur emménagement au Château des Lys, Lili aurait été en proie à des...