Le Château des Lys

Chapitre 5 - Paul

Je regardai autour de moi. Maman m'avait dit qu'elle m'attendrait à la même place que d'habitude. Seulement, le parking était complet. On voyait bien que les vacances avaient débuté. Déjà, sur les quais, j'avais dû slalomer entre les familles. Certaines ne s'attardaient même pas à s'excuser lorsqu'un de leurs enfants m'écrasaient les pieds avec leurs valises à roulettes. Je détestais la foule et n'avais qu'une seule hâte, retrouver ma chambre, ma table à dessins et mes crayons.

Me retrouver en Auvergne éveillait toujours en moi des bons mais aussi des mauvais souvenirs. Ici, j'avais trouvé des super amis depuis mon arrivée il y a maintenant sept ans. Même si je ne passais à Châtel de Bregord que pour les vacances, on était resté en contact. Kevin avait passé son Bac Pro en Maintenance et Olivier avait eu son Bac Scientifique avec mention.

Cet été allait être différent des autres. J'allais travailler les deux mois avec papa dans son agence immobilière, Kevin avait été embauché en alternance dans une entreprise près de chez lui, et Olivier avait été pris par la Communauté de Communes pour l'entretien des espaces verts des villages alentours. On avait au moins les weekends pour se voir... Enfin, si leur copine étaient d'accord.

Et la seule et unique fête que j'attendais était celle du quinze août. Châtel était animée pendant trois jours non stop avec des spectacles de rue la journée et des concerts le soir. L'année dernière, j'étais derrière un comptoir, saoulé à la bière, à préparer les sandwichs. Cette fête apportait beaucoup de touristes et était connue comme l'une des plus grandes fêtes de la région. Mon premier baiser avait d'ailleurs eu lieu derrière des bottes de paille, il y avait trois ans.

Maintenant, j'étais le seul de la bande à ne pas avoir de petite amie. La dernière fille avec qui j'étais sorti n'était pas très intéressante. Elle ne parlait que shopping et émissions de télé-réalité. Elle était belle, mais ça s'arrêtait là. Et c'était comme ça à chaque fois, comme si je n'attirais que ce genre de nana. Je me demandais presque si la plupart des parisiennes étaient aussi peu ouvertes d'esprit et superficielles. Bien sûr qu'il y avait des jeunes femmes cultivées et intéressantes, j'avais juste eu de la malchance.

Soudain, je vis une main en l'air, près du vieux quatre-quatre blanc que je reconnus de suite. Maman était bien au même emplacement que la dernière fois, les lunettes de soleil relevées sur la tête, un sourire chaleureux sur son visage creusé.

Elle courut entre les voitures pour me sauter presque au cou et m'embrassa sur les deux joues.

- Oh mon chéri !!! Oh mon bébé !!! Bon anniversaire !!!

- Merci maman, mais ne cries pas ! Je ne suis plus un bébé !

Je regardai autour de nous pour être sûr de ne pas être en train de me taper la honte.

- Quand même Paul ! Ça faisait longtemps que tu n'étais pas revenu ! Regardes-moi ça ! J'ai l'impression que tu as encore grandi !

- Il fallait bien que je révise pour mon Bac Pro !

- Allez viens, on va fêter tout ça au château !

Je n'étais pas revenu au château depuis Noël. Les vacances de février et celles d'avril avaient été un calvaire pour mes parents, car c'était la première fois que je restais à l'appartement. J'avais mis ces deux absences sur le dos des révisions, en leur disant que j'avais des évaluations importantes à passer après les congés. En fait, je n'avais pas vraiment envie de voir les clients aller et venir au château.

Ces périodes-là étaient vraiment fatigantes, car les touristes étaient bruyants avec leur matériel de randonnée. Le matin, ils se levaient tôt pour partir et hurlaient presque dans les couloirs pour montrer leur excitation. La salle de réception était toujours pleine à craquer. Les personnes plus âgées se jetaient sur tout ce qu'il y avait de meilleur au petit-déjeuner et au diner. En arrivant de leur randonnée en raquettes, les gens prenaient des douches jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'eau chaude. Le soir, le château n'était jamais vraiment calme avant onze heures...