Chapitre 36

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Elsa ne put que gémir de terreur, toute combativité abandonnée, lorsque le monstre atterrit juste à côté d'elle et ouvrit grand la gueule. Pendant un moment, elle eut un aperçu dégoûtant des restes de son repas précédent. En même temps, elle nota le crocs acérés comme des rasoirs. Une odeur de viande en putréfaction la frappa au visage. Elle frémit, et, trop focalisée sur ce qu'il y avait devant elle, ne fit pas attention à ce qu'il y avait derrière. Aussi, elle fut totalement prise au dépourvu lorsque Loki se jeta en avant en l'entraînant dans sa chute. Elle termina le nez dans la neige, et les crocs claquèrent là où elle s'était tenue quelques instants auparavant.

– Vous êtes insensée ? grogna-t-il, de mauvaise humeur.

– Pardon... ironisa-t-elle. C'est parce que je vois ces bestioles tous les jours que je me permets de les regarder dans les yeux...

Il sourit légèrement, lui attrapa le poignet, et la traîna en avant. Elle se débrouilla – difficilement – pour se remettre sur ses pieds, et s'élança à côté de lui vers une corniche.

– Comment est-ce qu'on les tue ? cria-t-elle.

– On ne les tue pas, à moins d'être Thor... et encore !

– C'est un tort de ne pas l'être, alors !

Il lui lança un regard en biais, l'air de lui demander « vous êtes vraiment en train de faire des jeux de mots dans cette situation ? », ce à quoi elle répondit :

– Désolée. J'évacue le stress.

Soudain, elle freina. Il y avait une centaine de mètres de vide à quelques centimètres à peine du bout de ses pieds. Loki, qui n'avait pas lâché sa main, la tira derrière un rocher. Elle se pencha légèrement pour voir ce qu'il faisait. Elle aperçut alors une parfaite copie d'elle-même et de son compagnon de voyage, debout, au bord du précipice. Puis, le sol trembla, et le monstre passa comme un éclair bleuté devant son nez. En sentant le vide autour de lui, il couina, se contorsionna, mais trop tard. Un hurlement, et elle n'eut plus de nouvelles.

– On ne les tue peut-être pas, siffla Loki, mais on peut s'en débarrasser pour un moment.

Il sourit.

– Si j'avais su, je ne me serais pas autant inquiétée, le rabroua-t-elle.

– C'est nécessaire. Ça améliore les réflexes... enfin, sauf pour certaines personnes, chez qui ça semble annihiler l'instinct de survie.

Elle lui donna un coup de coude en protestant. Il pouffa, et commença à s'éloigner de la falaise. Elle le suivit, consciente de leurs doigts entrelacés, et totalement perdue. Le papillon qui s'était installé dans son ventre pendant la réception revint à la charge, plus agité encore qu'avant. Il avait disparu pendant un moment, emporté par la vague d'adrénaline. Là, il battait furieusement des ailes. Dans une association confuse d'idées, les mots de Loki pendant leur danse lui revinrent. « Je vous aime, que vous soyez reine, princesse ou servante. Je m'en fiche. Vous n'êtes pas obligée de répondre. Je sais que je n'ai pas été parfait. Je suis un monstre, et vous ne méritez pas ces sentiments que je ressens envers vous. Mais je me sens obligé de les dire. Il y a tant de choses que vous ne savez pas, et qu'il faudrait que vous sachiez. » Est-ce qu'il y avait une possibilité, même infime, qu'il soit sincère ? Ce à quoi le papillon répondit en accélérant encore ses battements d'aile.

– Euh, Elsa, vous allez bien ?

Elle leva les yeux.

– Quoi ?

– Vous êtes pâle. Très pâle. Enfin, plus que d'habitude, je veux dire. Ce qui n'est pas, enfin...

Il s'empêtra dans sa phrase, et elle le regarda essayer de s'en sortir en souriant légèrement. Elle n'était pas la seule à être perturbée.

Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 1 : Love above the realmsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant