Chapitre 3 - Une fenêtre et de longs cheveux noirs.

20 3 2
                                    

18h45. Je rentrai chez moi, sous la pluie. Je n'avais pas pu voir Jérémy, ni même Aymeric et les autres. Au final j'avais passé presque cinq heures à attendre la seconde où je pourrais une nouvelle fois fondre face à son visage.
En ouvrant la porte d'entrée de ma maison, je pus apercevoir sur la table de la cuisine un bout de papier avec un stylo noir posé dessus. J'enlèvai alors mes écouteurs, les débranchai de mon téléphone et les jetaient sur le sofa noir. Je m'approchai de la table et orientai le papier face à moi de façon à pouvoir le lire. Il y était inscrit :
"Mon supérieur m'a appelé, ils ont besoin de moi à l'hôpital. Je rentrerais demain. Peut-être que tu devras te faire le repas de dimanche midi toute seule, tout dépend de la circulation et de l'organisation au boulot. Sinon, il y a tout dans le frigo. Pour ce soir tu as du gratin de ce midi à côté de l'évier.
À dimanche,
Bisous.
Maman."
Après avoir lu son mot, j'empruntai les escaliers qui menaient à un couloir donnant sur quatre portes. La dernière porte à gauche était ma chambre. Je m'y rendis. Mon ventre gargouillais déjà alors qu'il n'était pas encore 19h. Cela me fatiguait de savoir que mon repas de ce soir était cet abominable gratin. Mais bon, j'avais l'habitude de l'absence de ma mère le samedi. C'était toujours comme ça. Elle me promettait de rester avec moi le week-end mais manquait au service, donc elle y retournait. Ce qui fait que chaque samedi soir, je bouffe un paquet de chips dans ma chambre, ou devant la télé. Cette fois-ci n'a pas été différente. Je m'étais emparée d'un paquet de chips tortillas et m'étais assise sur mon sofa noir. J'ai alors zappé sur au moins une vingtaine de chaîne avant de, finalement, regarder un film copié sur ma clé USB. Je crois que, en plein milieu du film, je me suis endormie. Ne pas voir Jérémy ça doit me fatiguer, ou alors, c'est le fait d'attendre quelqu'un qui ne pense pas à moi, qui doit être épuisant.

Quand mes paupières s'ouvrirent à nouveau, il faisait jour. Cependant, la lumière qui parvenait à ma rétine ne provenait pas d'une fenêtre qui m'était familière, bien au contraire.
Où suis-je ?
L'ouverture d'où scintillait le soleil était une fenêtre à deux battants, devant laquelle était exposée une plante. Elle ressemblait beaucoup à un Scheffléra arboricola Nora, il est possible que cela en était un d'ailleurs. Je connaissais cette plante car mon père, qui habite en Argentine, m'en parlait souvent, à l'époque où nous nous échangions des lettres.
Je jetai un regard autour de moi.
Gauche, Droite, c'était une chambre d'appartement.
Ma tête était posée sur une multitude de coussins moelleux et le reste de mon corps demeurait comme enveloppé dans une douce couverture grise. Pendant un instant, je regardai le plafond. La même question hantait mon crâne.
Où suis-je ?
Je poussai une longue expiration quand soudainement un léger bruit de pas se fit entendre. Par un étrange réflexe, j'ai immédiatement fait semblant de dormir.
Et si j'avais été kidnappée ?
Peut-être que maman m'a simplement fait une surprise ?
Je vois simplement flou ?
Suis-je en plein cauchemar ?
Mes interrogations furent interrompus par une voix féminine.
" - Tiens, tu dors encore toi ? Quelle paresseuse tu fais. "
Il me semblait qu'en prononçant ces mots, cette étrangère souriait. Sa voix ne m'était absolument pas familière, mais elle devait être jeune. Le son qui sortait de sa gorge était pur et doux, néanmoins il m'effrayait. Il m'effrayait autant que cette large fenêtre, que cette plante verte, que ces coussins, que cet endroit, que ma vie à cet instant. La peur me serrait le coeur tellement fort que des larmes coulèrent de mes yeux bleus clos. Fort heureusement, la fille ne s'en est pas aperçue. J'entendis ses pas s'éloigner puis une clé tourner dans la serrure d'une porte, sûrement celle de l'entrée. J'étais sûre qu'elle m'avait enfermée. J'ouvris alors les yeux, puisque le silence qui régnait dans l'appartement indiquait clairement que j'étais seule. À l'aide de ma main droite, j'essuyai les quelques marques d'eau qui demeuraient sur mes joues. Je relevai mon dos et pliai les jambes, de façon à être assise en tailleur. En tournant ma tête vers la droite, je pouvais observer la vue qu'offrait la grande fenêtre lumineuse. Elle donnait sur un autre bâtiment, il était en brique et semblait avoir des fenêtres bien plus étroites que celle de la pièce où je me trouvais.
Où suis-je ? répétai-je, cette fois à haute voix.
Je me levai, poser les pieds au sol semblait être une bénédiction. Pourtant, mes jambes tremblaient. Je devais sortir d'ici ! Alors, une idée freina soudainement dans mon crâne.

Je peux utiliser la localisation de mon téléphone ! Alors, je cherchai ma veste dans laquelle j'avais l'habitude de ranger ce cher Léon. Je l'ai trouvé sur un porte-manteau situé à côté d'un miroir. En passant à côté de la glace, mes yeux écarquillèrent : j'étais en pyjama. Malgré tout, paniquée, je saisis Léon et le déverrouilla. Dans mes mains, il s'éteignit.

Eh merde, j'ai dû le laisser allumer toute la nuit.. D'ailleurs, depuis combien de temps suis-je ici ?

Je me secouai la tête.

Pas le temps de penser à ça ! Il faut partir et vite ! Mais comment ... ? Je suis enfermée à clé chez une inconnue.
Je m'addosai au mur qui soutenait le miroir, ma veste et mon téléphone entre les mains. La serrure, au contact d'une clé, reproduisit le bruit de tout à l'heure. Ainsi, des bottes noires s'arrêtèrent devant moi. Mes yeux azurs débordant de larmes, je levai la tête pour enfin découvrir le visage de cette fille. Elle me souriait, je crois.
" - Tu es enfin réveillée, Kiana ?" me dit-elle de sa douce voix.
Étrangement, je hochai la tête. Elle avait de longs cheveux noirs.
Presque aussi long et grand que le poignard que Madame LaPeur utilisait actuellement pour transpercer mon corps.

MorganeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant