Chapitre 7 - Ta tombe

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Laëtitia et Rahman me demandèrent si je souhaitais rester encore un peu à l'hôpital ou si je me  sentais prête à rentrer « chez moi » avec Morgane et Jérémy, en qui ils semblaient avoir une pleine confiance.

Je trouvais ça presque ironique que pour une fois, dans cette maudite journée, on me laisse le choix...

Un regard vers la fenêtre de ma chambre, la n°10, m'aida à prendre ma décision. En effet, les façades monotones et déprimantes du reste de l'hôpital mefaisaient peur. Elles me renvoyaient sans cesse à ma douleur. Celle que je ne pouvais pas oublier. Celle d'avoir perdu sa mère.

Quelle ironie vraiment. Je nec omprenais rien. Comment je pouvais être capable d'oublier 5 mois dema vie, et tout d'un coup, me retrouver dans l'incapacité d'oublier une seule chose, une seule chose !

Aller Kiana ! Tu as su oublier l'hiver et le début du printemps, tu peux bien oublier le pire événement de ta vie non ?

Non ?

Ah ça ne marche pas comme ça...

Morgane, Jérémy, Laëtitia et Rahman me fixaient tous avec insistance mais indulgence, je le sentais. Le regard des deux premiers semblait néanmoins me supplier de dire que je voulais rentrer avec eux.

Une chance pour ces deux là, puisque les murs gris et funèbres de l'hôpital n'étaient vraiment pas à mon goût.

« - Je-je.. je vais essayer d'aller avec vous deux. Morgane et Jérémy. » marmonnai-je, incertaine.

Leurs deux visages s'illuminèrent tandis que Laëtitia et Rahman m'expliquaient qu'au moindre soucis il y aurait un espace de libre pour moi ici.

Merci, très rassurant de me dire qu'il y a une place réservée pour moi à l'hôpital !

Morgane m'aida à me lever du lit, comme si j'étais une sorte d'infirme, de malade ou je ne sais quoi... Elle ne voulait bien-sûr, j'imagine, j'espère, pas mon mal. Mais je savais encore marcher.

Ma seule incertitude demeurait plutôt sur la question suivante : Sais-je encore vivre ? Puis-je encore, malgré le fait que... 

A ces pensées, de nouvelles larmes montèrent dans mes yeux.  La jeune femme aux cheveux noirs qui m'aidait me pris dans ses bras. Bien que je ne connaissais rien d'elle, et qu'une certaine angoisse subsitait dans mon ventre à son égard, son odeur m'apaisa. 

Une fois l'étreinte terminée, Jérémy serra la main des deux membres du corps médical, et leur indiqua qu'il appellerait au moindre soucis. Il fit alors un signe de la tête à Morgane, et nous avançâmes alors tous les trois. Une fois sortis de la chambre et de la section « Psychologie », nous nous dirigèrent vers la sortie du grand bâtiment dramatique, où pleurait et angoissait quelques personnes à l'accueil. 

Nous montâmes alors dans la voiture grise de Jérémy, qui prit la direction de l'appartement.

Morgane avait choisi de s'asseoir à l'arrière avec moi pour me tenir la main. 

Son contact me dérangeait moins qu'auparavant, mais je savais qu'il y avait encore tant de choses à clarifier...

Mon regard, durant le trajet, traversait la fenêtre, et me faisait voyager dans des pensées si mélancoliques que des larmes montaient régulièrement à mes yeux bleus. Je pense que ma « colocataire » aux cheveux noirs le sentait, mais qu'elle ne souhaitait pas intervenir.

Soudain, je souhaitais prendre la parole et ainsi libérer le silence qui s'était installé dans le véhicule.

"-Ma mère a été entérée du coup ? demandai-je.

-Oui, à Verjoy. répondit Jérémy, concentré sur la route."

Un léger calme revint remplir l'habitacle gris. Je réfléchissai lourdement, et à cette pensée je sentis mon coeur se serrer :

"- J'ai assisté à son enterrement au moins ...? Si mon accident était en février... Et qu'elle a été enterée le 16 si je me souviens bien... Alors ...? "  

Plus je me questionnai moins j'avais envie de connaître la réponse.

Morgane prit la parole, se tournant légèrement en ma direction, comme pour me lancer la vérité le plus fort possible au visage.

"- Ton accident a eu lieu le 13 Février Kiana. articula très clairement ma voisine de banquette arrière "

Elle souhaitait continuer à parler, pour me rassurer ou me déculpabiliser j'imagine, mais je ne pus m'empêcher d'exprimer ma seule et unique volonté de l'instant :

"- Emmène moi au cimetière de Verjoy Jérémy."

Ce dernier jeta un coup d'oeil dans le rétroviseur pour observer Morgane et moi. Il répondit simplement "Comme tu voudras" et continua de rouler.

Quelques minutes plus tard, nous étions arrivés devant le plus simpliste des cimetières. Joliment décoré de divers arbres fleuris : logique, nous sommes en plein printemps.

Quel drôle de sentiment de se retrouver dans un tel endroit et d'y chercher une personne qu'on imaginait vivante...

Je fis signe à Morgane et Jérémy que je souhaitais être seule, et leur indiquai-je que je trouverai moi-même.

En réalité, il y avait déjà un membre de ma famille enterré ici : mon oncle. Georges Olsen. Le frère aîné de ma chère et tendre maman. Il était décédé d'un cancer alors que je n'avais que 10 ans.

Il arrivait à ma mère et moi de nous rendre au cimetière afin de déposer quelques fleurs sur sa tombe. De cette manière, je me souvenais parfaitement de son emplacement.

Je m'y rendis alors, terrifiée par l'idée de croiser un nom que je ne voulais absolument pas voir sur une tombe.

J'observais pendant ma marche la bâtisse funèbre d'inconnus, je lisais certains mots, inscrits en lettres dorées sur du marbre. Je jetais quelques coups d'oeils aux fleurs, et penait les personnes reposant sous des tombes non fleuries, ou fanées depuis bien longtemps.

Je m'en approchai, de la tombe de mon tonton. Chaque pas devenait plus difficile, ma gorge était serrée et je m'efforçait de faire semblant d'aller bien, en observant les fleurs.

J'y étais. Devant la tombe de Georges Olsen. Encore un peu fleurie, mais très légèrement comparé à...
Comparé à...
Comparé à la tombe adjacente.

Cette dernière n'était pas fraîchement fleurie non plus mais il semblait que par le nombre de pots et de petits mots, la personne qui gisait en dessous était, ou très aimée, ou décédée il y a moins d'un an.

Mes yeux, par mégarde j'imagine, par bêtise peut-être, parcoururent furtivement l'entête de cette tombe si fleurie.

Meryem Olsen était le nom inscrit sur cette entête.

C'était le nom qui me faisait tourner la tête.

Je fondis en larmes. La douleur de t'avoir imaginée morte n'était pas comparable à celle de réaliser que tu l'étais vraiment, Maman...

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 18, 2019 ⏰

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