Chapitre 1

339 27 177
                                    

« Un espoir plus fort subsiste, l'espoir d'un déclic, l'espoir d'un changement. » Jessica

Le miroir me renvoie l'image de mon visage de poupée. Chaque parcelle de ma peau se cache sous une couche de maquillage, un masque de peinture et de mensonges. J'applique du rouge à lèvres sur ma bouche, rehaussant cette impression de fausseté se dégageant de mes traits. Pourtant, je me sens incapable de vivre sans cette armure, sans tous ces artifices. Sans eux, on me dévisagerait comme la pire monstruosité. Comme une tâche sur une œuvre d'art. Une poussière à balayer. Je ne nie plus ma laideur depuis des mois déjà.

Mon amie, Abigail, tapote avec frénésie le comptoir près de l'évier. Son regard s'appuie sur moi avec impatience. Elle ne dit pas un mot, mais cela suffit à m'oppresser suffisamment pour que je me dépêche de saisir mon sac à main. À l'extérieur des toilettes nous attendent déjà Lily et Vanessa que nous rejoignons avant de poursuivre notre chemin dans les couloirs.

— Bon sang, ce que tu peux trainer longtemps, Jez, soupire Abigail.

Je hausse les épaules et feins l'indifférence. Je ravale ma salive, ma colère, ma peine. Un hurlement s'étouffe dans ma gorge, ma rage me brûle l'estomac. L'impatience d'Abigail me frustre, mais avec tout ce qu'elle a fait pour moi, cela vaut la peine d'endurer quelques-uns de ses caprices. J'ai besoin d'elle, après tout.

Si je ne veux pas revivre l'enfer.

Nous nous installons à une table de la cafétéria, au milieu du brouhaha ambiant. Les voix, les éclats de rire, m'agressent les oreilles et me rappellent le bonheur auquel les autres ont droit, un bonheur auquel je deviens de plus en plus allergique. Comme si les autres n'avaient plus le droit d'être heureux en ma présence.

Abigail raconte une anecdote sur Christopher, le garçon dont elle est amoureuse. Elle esquisse de grands gestes gracieux, le sourire béat et ses yeux noisette éclatants. Des étoiles s'y agitent, la beauté de son regard mis en valeur par un maquillage léger m'étonne toujours. J'en suis jalouse. Jalouse de cette aura de magnificence autour d'elle quand moi, je n'ai pas le moindre éclat.

La conversation se poursuit autour des garçons en général, de ce qui nous plaît chez eux, des plus beaux de l'école et des moins attrayants. Seule Abigail a avoué son attirance pour l'un d'eux en particulier, même si un nom me vient en tête à chaque fois que nous abordons ce sujet. Et nous l'abordons presque tous les jours. Mais je me tais, je reste évasive. Abigail m'a peut-être accueillie dans sa bande, alors que j'étais seule et rejetée, je n'arrive plus à faire confiance à quiconque. Sauf à une personne.

Mon frère, Jacob, passe devant nous et m'adresse un signe de la main auquel je réponds par un hochement de tête. Abigail contemple Christopher avec qui traîne Jacob. Un sourire crispé s'étire sur mes lèvres. Mon jumeau et ses copains discutent avec bonne humeur et je souhaite intimement à cet instant d'être à sa place. Dans sa peau où il doit se sentir si bien. Où il n'a besoin d'aucune armure, d'aucun masque. Avec sa carrure athlétique, son style de rockeur et ce sourire franc, il ne peut avoir aucun mal à être lui-même. Pourtant, nous nous ressemblons tant lui et moi. Les cheveux blonds, les prunelles sombres, le nez droit et le teint pâle, mais tout sur lui l'embellit davantage, alors que cela ne me rend que plus hideuse encore.

Je détourne le regard, un violent pincement au cœur, comme à chaque fois que je m'inflige ces coups de poignards avec ces sombres pensées. J'éprouve un grand amour pour Jacob et de l'admiration pour Abigail, car je sais qu'ils méritent tout ce qu'ils possèdent. Mais la haine qui me dévore l'âme menace mes autres sentiments, puis il serait tellement plus facile de les détester. Cela me soulagerait d'un poids.

Montre-moi ton vrai visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant